Grandeur et décadence du dieu diesel

Porté aux nues il y a encore dix ans, le diesel est aujourd’hui voué aux gémonies... © Getty Images

Moins de vingt ans après avoir battu tous les records de popularité, les voitures roulant au diesel disparaîtront bientôt des routes européennes. La fin d’une longue aventure. Un sujet évoqué ce jeudi à 21h10 dans «Envoyé spécial».

Juin 2006, 15 h 59. Dans 60 secondes, le drapeau à damier s’abaissera sur la 74e édition des 24 Heures du Mans. Une page d’histoire du sport automobile s’écrit. En tête depuis le départ, l’Audi R10 n° 8 pilotée par Biela, Werner et Pirro va s’imposer. La marque allemande est en passe de réussir son pari : gagner la plus prestigieuse épreuve d’endurance automobile au monde avec un moteur diesel. Le carburant que rien ne semble en mesure d’arrêter sur la route du succès. Et pourtant…

La première mort

Flashback. Le 28 février 1892, l’ingénieur allemand Rudolf Diesel dépose un brevet devant l’Office impérial de Berlin. Pour remplacer les machines à vapeur, l’homme de 34 ans a conçu le modèle théorique d’un moteur à allumage par compression. Quatre ans plus tard, il passe à la pratique et présente le premier prototype de ce qui deviendra le «moteur diesel». L’inventeur n’en connaîtra jamais le succès : en septembre, il disparaît mystérieusement en mer lors d’une traversée entre Anvers et l’Angleterre.

La renaissance

Le temps passe. Des bateaux, camions, locomotives… utilisent désormais ces moteurs robustes au combustible peu coûteux. En 1936, Mercedes lance même sa voiture de tourisme qui roule au diesel, la 260 D. Un flop. Le moteur fait trop de bruit, dégage une odeur désagréable et la guerre est aux portes de l’Europe. Le diesel est alors en panne sèche.

1959 est l’année du vrai démarrage. En France, le président de Gaulle lance son pays dans le nucléaire. Il cherche à «liquider» le diesel excédentaire à bon prix. La marque Peugeot saisit l’occasion. Dans un premier temps, sa 403 au moteur diesel vise les taxis parisiens. Les tests menés sans faire de bruit (même avec un diesel sous le capot) sont concluants. Fin décembre, un taxi parisien sur six l’utilise. Les ambulances, les VRP… tous les métiers qui font beaucoup de kilomètres optent pour ce carburant bon marché permettant de rouler beaucoup avec des moteurs résistants, à la longévité supérieure aux autres.

L’âge d’or

Arrive le premier choc pétrolier mondial en 1973. Le prix du pétrole est multiplié par quatre. Moins cher que l’essence et avec un moteur moins gourmand : l’heure du diesel a sonné. Les ventes explosent. Les constructeurs rivalisent d’ingéniosité pour améliorer les performances. Petites voitures, petits moteurs ultra-performants, grand succès. Golf, Ford, Renault, Nissan, Honda, Mercedes, Opel… y vont de leurs améliorations techniques. En 2012, sept voitures européennes sur dix roulent au diesel ! Et soudain, coup de frein. La même année, un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé classe les gaz d’échappement des diesels parmi les cancérogènes certains pour les humains..

«Diesel gate»

En 2016, nouveau coup dur, fatal : le «diesel gate» alias «l’affaire Volkswagen». L’Agence fédérale américaine de protection de l’environnement prouve que la marque a installé sur certains modèles, fabriqués entre 2009 et 2015, un logiciel permettant de passer les tests antipollution sans problème alors qu’ils émettent bien plus que les quantités de gaz autorisées (gaz carbonique, oxyde d’azote, particules fines). Le PDG de Volkswagen America résume cela par : «Notre entreprise a été malhonnête. On a merdé…» Dans le monde, 11 millions de véhicules sont concernés.

Les normes de pollution de plus en plus sévères, la robustesse en chute libre, le coût du carburant et des entretiens en hausse : déjà banni ailleurs, le diesel voit sa popularité chuter en Europe. En 2018, il représentait encore une voiture sur deux vendues en Belgique. En 2023, c’est une sur dix. Des villes interdisent même la circulation de certains modèles, des zones de faibles émissions (de gaz polluants) sont mises en place. Quant à l’Union, elle interdit la vente de véhicules neufs à moteur thermique dès 2035. Le diesel sera au point mort.

Cet article est paru dans le Télépro du 28/9/2023

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