Irlande : un peuple, deux religions, des «Troubles»

Image extraite du documentaire diffusé ce mardi sur Arte © Arte/Magnum Photos/Peter Marlow
Stéphanie Breuer Journaliste

Entre 1969 et 1998, l’Irlande du Nord est en proie à une violente guerre civile, qui voit se déchirer protestants et catholiques.

«Sunday Bloody Sunday» de U2, «Zombie» des Cranberries, ou la moins connue «The Town I Loved So Well» de Phil Coulter. Ces trois chansons ont un point commun : elles évoquent les «Troubles» qui ont déchiré l’Irlande du Nord durant trois décennies. Vingt-cinq ans après la signature de l’accord de paix, Arte revient mardi à 20h55 sur cette sanglante guerre civile dans un documentaire en trois épisodes, «Il était une fois en Irlande du Nord».

Après des siècles sous le joug britannique, l’île d’Irlande est divisée en deux en 1921. Alors que le Sud proclame son indépendance, le Nord reste attaché au Royaume-Uni. Mais en Irlande du Nord, des tensions existent entre, d’un côté, les républicains nationalistes, principalement catholiques et partisans d’une Irlande réunifiée, et, de l’autre, les unionistes, protestants et défenseurs du maintien sous l’autorité de la Couronne britannique.

La source des tensions provient d’un système électoral biaisé, impliquant une sous-représentation des catholiques dans les instances politiques locales. À la fin des années 1960, des voix catholiques s’élèvent pour réclamer des emplois, des logements dignes et le droit de vote pour tous. La situation s’embrase en août 1969 lorsqu’une manifestation pacifique pour les droits civiques est violemment réprimée par la police, en majorité protestante. C’est le début des «Troubles».

Bloody Sunday

Maisons incendiées, émeutes… le chaos s’installe et l’armée est déployée dans les rues pour rétablir l’ordre. D’abord bien accueillies, les troupes britanniques sont peu à peu assimilées par les catholiques à une force ennemie d’occupation, dont les méthodes deviennent de plus en plus brutales à mesure que l’IRA (Irish Republican Army), organisation paramilitaire créée en 1970, multiplie les attentats, ciblant notamment soldats et policiers. Les civils payent les frais de cette escalade car les victimes ne se limitent pas à celles des combats entre l’IRA et l’armée ou les groupes extrémistes protestants.

C’est le cas le 30 janvier 1972 à Londonderry. Lors d’une manifestation contre les discriminations, des parachutistes britanniques tirent sur la foule, pourtant pacifique. Quatorze civils, dont des mineurs, tombent sous les balles des soldats. C’est le fameux «Bloody Sunday» («Dimanche sanglant»), chanté par U2. Commanditées par l’IRA, les représailles interviennent en juillet à Belfast avec une série d’attentats à la bombe, faisant 9 morts et 130 blessés lors du «Bloody Friday».

Bataille de la faim

La violence s’étend ensuite à la Grande-Bretagne, à son tour touchée par des attentats, dont l’un coûte la vie, en 1979, à Lord Mountbatten, oncle de la Reine. Deux ans plus tard, le conflit prend encore une autre dimension lorsque des membres de l’IRA, incarcérés et menés par Bobby Sands, entament une grève de la faim pour réclamer le statut de détenu politique.

Margaret Thatcher, Première ministre britannique, reste inflexible et les dix grévistes de la faim finissent par succomber, augmentant encore la popularité de l’IRA et de sa branche politique, le Sinn Fein. Le monde est en émoi et les pressions internationales pour conclure la paix se font plus pressantes.

Il faut pourtant attendre le 10 avril 1998 pour que l’accord de paix du «Vendredi Saint», conclu sous médiation américaine, mette fin à près de trente ans de «Troubles», qui ont causé plus de 3.500 morts. 

Cet article est paru dans le Télépro du 30/11/2023

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