La funeste partition des mercenaires Wagner

Vladimir Poutine et Evgueni Prigojine © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Sorti de l’ombre depuis la guerre en Ukraine, le groupe Wagner, une organisation paramilitaire œuvrant pour la Russie, est loin d’être un petit nouveau. Ce jeudi à 20h55, Arte diffuse le documentaire «Wagner, les mercenaires de la Russie». Et jeudi à 23h sur France 2, le «Complément d’enquête» aura pour titre «Prigojine, le boucher de Poutine».

«Groupe Wagner», ce terme fait partie de ceux auxquels nos oreilles se sont habituées depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022. Créée par Dmitri Outkine, ancien officier des forces spéciales russes, et Evgueni Prigojine, délinquant reconverti en homme d’affaires, proche de Poutine, cette milice compte de nombreux soldats dont le nombre exact est impossible à estimer. Décryptage.

Wagner, les origines

En mai 2014, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie, Outkine et Prigojine fondent Wagner, une société privée de mercenaires, sans lien (soi-disant) avec le Kremlin. Le nom aurait été soufflé par Outkine, dont c’est le surnom, en souvenir de Hitler et de son admiration pour le compositeur éponyme… Pour recruter leurs membres, ils se tournent vers les prisons, d’où seraient issus 80 % de leurs hommes. Rien que pour le conflit Ukrainien, quelques 40.000 «combattants Wagner» auraient été directement sortis de leur cellule pour partir au combat.

Très vite après la création de Wagner, Outkine, Prigojine et leurs escadrons développent leurs activités au-delà des latitudes russes. Et les lieux qu’ils convoitent ne sont pas choisis au hasard, comme l’explique Catrina Doxsee, directrice associée du Projet sur les menaces transnationales, à Ici Radio Canada : «Wagner privilégie les pays ayant une gouvernance faible, des défis de sécurité permanents et des ressources abondantes.»

Objectifs précis

Syrie, Lybie, Mozambique, Centrafrique ou encore Mali, voici la liste non exhaustive des endroits en crise qui ont vu les mercenaires fouler leur sol. Mais pour y faire quoi ? «Leur objectif est double. Premièrement, c’est de contrer l’influence des Occidentaux en Afrique, et deuxièmement, c’est de faire de l’argent», explique Thierry Vircoulon, coauteur du rapport «La Zone grise : l’engagement militaire, mercenaire et criminel de la Russie en Afrique».

L’autre point d’importance, lorsque Wagner choisit un pays à infiltrer, est son poids décisionnel à l’Assemblée générale de l’ONU où les pays africains représentent environ un quart des votes. «La Russie entretient ses relations avec ces pays en leur fournissant des armes et, parfois, un allégement de la dette ou un appui aux autocrates», détaille Paul Stronski, chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, sur Ici Radio Canada. «En retour, elle attend et obtient, la plupart du temps, un soutien ou du moins une abstention lors des votes clés.»

L’ivresse du pouvoir

Depuis le début de la guerre en Ukraine, celui qui prend toute la lumière dans le groupe Wagner, c’est le chef, Evgueni Prigojine, quitte à irriter son propre camp. L’homme, qui a fait fortune dans la restauration et que l’on surnomme «le cuisinier de Poutine», semble, avoir des ambitions politiques qui dérangent. Se dressant en héros russe, depuis le terrain, il fait de l’ombre à l’armée officielle et ne se gêne plus pour attaquer directement sa «hiérarchie». «Si les missions sont fixées par des trouducs, le soldat quitte la tranchée, parce que ça ne sert à rien de mourir inutilement. (…) Un soldat ne devrait pas mourir à cause de la stupidité de ses chefs», a-t-il notamment déclaré dans une vidéo.

Ces dernières semaines, Prigojine a même été soupçonné de trahison. Selon des médias américains, il aurait proposé à l’Ukraine de divulguer les positions russes, en échange du retrait des soldats ukrainiens de la ville stratégique de Bakhmout. Le 20 mai dernier, Prigojine a cependant revendiqué la prise complète de la ville et indiqué que le groupe Wagner quitterait la cité entre le 25 mai et le 1er juin pour laisser place à l’armée officielle russe. À l’heure d’écrire ces lignes, Kiev dément toujours la perte totale de Bakhmout, mais parle d’une situation critique.

Cet article est paru dans le Télépro du 1/6/2023

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