La justice à la rescousse de l’environnement

Les avocats Carole Billiet et Roger Cox lors d’une conférence de presse de l’asbl Klimaatzaak (Affaire climat) © Getty Images

Le nombre de procès climatiques a doublé. L’écocide entre dans le code pénal belge.

Le procès est pratiquement passé inaperçu auprès du grand public. Pourtant, des dizaines de milliers de personnes sont parties prenantes et des millions d’autres sont concernées. Ça ne vous dit rien ? Indices supplémentaires. Il s’agit d’un procès hors normes sur le plan de la durée : les premières démarches ont été entreprises il y a bientôt neuf ans. Quant au nom qu’on lui donne, il ressemble au titre d’un thriller : «L’Affaire climat ». Toujours pas la moindre idée ? Rappel des faits.

L’État mis en demeure

Décembre 2014, un groupe de onze citoyens inquiets décide de manifester son mécontentement face à la politique climatique belge. Il la juge inadéquate. La VZW Klimaatzaak (alias : l’asbl Affaire climat), c’est le nom de cette association, envoie une mise en demeure aux gouvernements des trois Régions (Bruxelles, Flandre, Wallonie) et à celui de l’État fédéral. Elle leur demande de respecter leurs engagements à savoir «la réduction, d’ici à 2020, de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en Belgique par rapport à celles émises en 1990».

Victoire à la Pyrrhus

La mise en demeure se transforme en assignation, la procédure judiciaire commence. Depuis, elle n’en finit pas de finir. Bagarre autour de la langue à utiliser, conclusions principales, conclusions additionnelles : nous voilà en 2021. Le 14 mars, 7.000 Belges manifestent dans 100 villes et communes du pays pour soutenir l’action en justice. 7.000 «avocats du climat», comme les appelle l’asbl. Le procès débute deux jours plus tard, le jugement tombe le 17 juin. Le tribunal de première instance de Bruxelles donne raison à l’Affaire climat. Il condamne collectivement les autorités belges pour leur politique climatique négligente. Les juges estiment qu’elle viole le devoir légal de diligence et même les droits de l’homme». Une sacrée gifle.

Continuer le combat

Le hic pour l’ASBL, c’est qu’aucune injonction de réduction, aucun objectif concret n’est imposé aux autorités. «La Belgique doit faire sa part pour éviter que nous dépassions la limite dangereuse du réchauffement de 1,5° C», estime Affaire climat. «Pour ce faire, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 61 % d’ici à 2030.» L’asbl décide d’aller en appel. Cette fois, les choses s’accélèrent. Après un nouveau cycle de conclusions, l’association passera à nouveau devant le tribunal du 24 septembre au 6 octobre prochains. Depuis 2014, Affaire climat n’a cessé de grandir. Aux onze fondateurs se sont ajoutés vingt-deux ambassadeurs et plus de quarante bénévoles. Le chiffre le plus impressionnant concerne les personnes qui se sont jointes à la plainte. Au début de ce mois d’août, 69.257 Belges étaient devenus co-demandeur( deuse)s !

L’exemple néerlandais

Obtiendront-ils gain de cause ? C’est une autre histoire. Leur raison d’espérer vient des Pays-Bas. Le 20 décembre 2019, après une saga judiciaire de six ans, l’organisation environnementale Urgenda gagne contre l’État néerlandais. Celui-ci est condamné à réduire de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Pourquoi n’en serait-il pas de même chez nous mais aussi ailleurs ? Selon un rapport récent du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le nombre de procès climatiques a doublé en cinq ans dans le monde. Il est passé de 884 en 2017 à 2.180 fin 2022.

L’écocide au pénal

Politiques polluantes de grandes entreprises, inaction des gouvernements en matière climatique : des citoyens passent à l’attaque et décident de saisir la justice. Comme le constate la directrice d’ONU Environnement, Inger Andersen, c’est devenu un mécanisme clé pour lutter contre la crise climatique. Ce n’est toutefois pas la solution miracle.

Autre fait significatif, le 20 juillet dernier, la Belgique a inscrit l’écocide dans son code pénal. Dorénavant «quiconque se rendra coupable de dégradations environnementales graves encourra une peine pouvant aller de dix à vingt ans d’emprisonnement ». À l’heure actuelle, onze autres pays sont dans le même cas. Des petits pas pour ces nations dans l’espoir d’un grand pas pour l’environnement.

Cet article est paru dans le Télépro du 10/08/2023.

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