La sanglante bande à Baader

Andreas Baader © Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

De 1968 à la fin des «années de plomb», des terroristes d’extrême gauche font trembler la jeune République fédérale d’Allemagne.

Le 21 mai 1975, quatre prévenus comparaissent devant le tribunal de Stuttgart : le noyau dur de la Fraction armée rouge, une organisation terroriste d’extrême gauche, doit répondre de meurtres et attentats qui terrorisent la République fédérale d’Allemagne. Ce procès emblématique de l’histoire allemande est le plus important et le plus médiatisé depuis le procès de Nuremberg. Retour sur l’épopée sanglante de la bande à Baader, avant la diffusion d’un film sur Arte (vendredi 20.55).

De la fin des années 1960 à la fin des années 1980, l’Europe occidentale subit ce que l’Histoire a appelé les «années de plomb», soit une vague de terrorisme contre la démocratie libérale. L’Italie est aux prises avec les Brigades rouges, la France avec Action directe et la Belgique avec les C.C.C. (Cellules Communistes Combattantes). L’Allemagne n’y échappe pas, d’autant que toute une génération, marquée par le nazisme, cherche à se démarquer de la génération précédente et du capitalisme. La jeunesse d’outre-Rhin juge que la société allemande a construit sa prospérité sur l’oubli de la guerre et le consumérisme.

Spirale sanglante

Dans ce contexte, une frange du mouvement étudiant de 1968 se radicalise et prône la violence et la lutte armée. Opposés au capitalisme et à l’impérialisme américain, Andreas Baader, ancien étudiant aux Beaux-Arts, et sa compagne Gudrun Ensslin, commettent une série d’attentats incendiaires, en ciblant des intérêts américains. Incarcérés en 1968, ils parviennent à s’évader, en 1970, avec l’aide d’Ulrike Meinhof, journaliste très en vue qui a suivi leur procès. Le trio fonde alors la RAF (Rote Armee Fraktion, soit Fraction armée rouge), plus connue chez nous sous le nom de bande à Baader (en référence à la bande à Bonnot). Après des actions militantes, l’organisation plonge dans le terrorisme et commet des attaques de banque et des attentats meurtriers. Alors que le nombre de morts et de blessés augmente, tout comme l’hystérie des médias, la jeune démocratie allemande se dote de nouvelles lois controversées limitant les libertés civiles.

Le chantage échoue

En 1972, les trois fondateurs de la RAF sont arrêtés, de même que leur complice Jan-Carl Raspe. Cela n’arrête pas le mouvement et les actions se poursuivent avec des enlèvements et assassinats de juges, avocats ou grands patrons. Le procès des quatre terroristes s’ouvre en mai 1975 à Stuttgart. Avant même son épilogue, la journaliste Ulrike Meinhof est retrouvée pendue dans sa cellule en 1976. L’année suivante, les trois autres prévenus sont condamnés à la prison à perpétuité.

Quelques mois plus tard, en octobre 1977, alors que le «patron des patrons» allemands, Hanns-Martin Schleyer, est enlevé, un avion de la Lufthansa est détourné sur Mogadiscio par des terroristes palestiniens avec 87 otages à bord. L’objectif est de faire pression sur le gouvernement allemand pour libérer la bande à Baader. Le chancelier refuse de céder au chantage et l’assaut est donné sur l’avion. Suite à cet échec, les trois prisonniers se donnent la mort dans leur cellule, tandis que le grand patron est tué par la RAF en représailles. Après avoir abandonné la lutte armée en 1992, l’organisation prononce sa dissolution en 1998.

Cet article est paru dans le Télépro du 15/2/2024

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