Le marché trouble des lunettes

Acheter des lunettes low cost ne se fait pas au détriment de la qualité, mais de l'éthique © France 5/Antipode

Pourquoi verres et montures coûtent-ils si cher ? Ce lundi à 21h05, France 5 diffuse le documentaire «Lunettes : voir encore plus loin».

Plus d’un Belge sur deux porte des lunettes de vue. Chez les seniors, la proportion grimpe à 80 %. Mais à l’heure de s’acheter une nouvelle paire, comment y voir clair ? L’achat est conséquent, même si de grandes chaînes bousculent le marché optique et cassent les prix. Pourquoi les lunettes sont-elles si peu prises en charge par notre mutuelle ? En France, elles sont désormais 100 % remboursées. Notre pays semble peu généreux envers les bigleux…

Lunettes low cost : pour quelle qualité ?

En moyenne, pour un adulte, des lunettes en Belgique coûtent entre 300 et 400 €. Ce sont les verres, fabriqués sur mesure, qui représentent le coût le plus important, et leur prix varie d’un opticien à l’autre. Les marques de lunettes low cost proposent des prix réduits en élimant les intermédiaires entre l’usine de fabrication et le client. Il faut souvent les commander en ligne. Ces chaînes bénéficient de marges plus petites que les opticiens indépendants, mais misent sur un gros volume de vente.

«Pour pouvoir proposer des prix réduits, ces chaînes travaillent avec des verres fabriqués en Chine, en Thaïlande, au Bengladesh, ou dans les pays de l’Est», explique un opticien indépendant. «D’autres opticiens travaillent avec des verriers plus prestigieux, en France ou en Allemagne, deux fois plus chers vu le prix de la main-d’œuvre. La qualité optique du verre est quasiment la même, mais il peut y avoir des différences de qualité dans son traitement (antireflet, anti-UV, antigriffes…).»

Le Secrétaire général de l’Association professionnelle des opticiens et optométristes de Belgique, Thierry Segaert, confirme : «C’est plus un problème éthique qu’un problème de qualité, car commander des verres en Chine n’est pas un geste écologique ni social (vu leurs conditions de travail). Les montures, elles, sont de moins bonne qualité. Le client revient souvent pour de petites réparations, remplacer une vis, les resserrer, etc. En outre, dans les magasins discount, le service n’est pas le même. On ne centre pas les verres de la même manière d’une personne à l’autre, cela nécessite un opticien compétent.»

Un remboursement très partiel

En Belgique, les remboursements varient en fonction du type de verre prescrit (unifocal, bifocal ou progressif). Depuis août 2023, l’Inami a abaissé le niveau de correction (dioptrie) qui donne droit à une meilleure intervention. Pour les personnes de 18 à 65 ans, cette correction est passée à 7.00 (au lieu de 7.75) et sera diminuée à 6.00 fin 2024. Pour les plus de 65 ans, les verres progressifs sont remboursés à partir d’une dioptrie de 4,25. Pour les moins de 18 ans, peu importe la correction, les verres sont toujours bien remboursés. Une correction de 7.00 représente une correction très importante (myopie à risque). Le montant à charge reste donc onéreux pour beaucoup de Belges. Certaines mutuelles proposent des assurances pour compléter la prise en charge de base… Voir clair est un luxe !

Moins cher en France ?

Depuis longtemps, certains Belges ont le réflexe d’acheter leurs lunettes chez un opticien français, où les prix sont moins élevés. Thierry Segaert le reconnaît : «Les opticiens belges ont accès aux mêmes verres et peuvent accorder les mêmes prix qu’en France, mais nous avons l’habitude de proposer d’abord le verre le plus cher, le meilleur, pour être certains de rendre nos lunettes confortables et qualitatives. Un verre moins cher suffira peut-être, chaque cas est différent, il faut interroger longuement son client : travaille-t-il sur écran ? Dans quelles conditions ? Tout est important pour le satisfaire pleinement.»

Comparaison n’est pas raison…

Quant à la comparaison avec le meilleur remboursement effectué en France, il faut nuancer ! «À la base, les mutuelles françaises remboursent mal les lunettes, ce sont les assurances complémentaires qui aident les Français à se payer de bonnes lunettes. Ce qui a changé depuis trois ans, c’est que tout le monde a désormais droit à des lunettes 100 % remboursées, mais avec un choix restreint : des lunettes basiques, avec des verres et des montures chinoises.» Difficile donc de comparer le régime social belge et français, mais avec cette nouvelle mesure, la France donne accès à des lunettes à ceux qui ont peu de moyens. En Belgique, acheter des lunettes reste un investissement…

Cet article est paru dans le Télépro du 22/2/2024

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