Le souvenir sanglant de Pinochet

Pinochet (à gauche) et Allende quelques jours avant que l'histoire du Chili ne bascule dans l'horreur © Getty Images

Le 11 septembre 1973, Pinochet prenait le pouvoir au Chili. Cinquante ans plus tard, on se rappelle les horreurs de la dictature.

La journée du 11 septembre a marqué l’histoire du XXe siècle. On pense d’abord à 2001 et aux attentats de New York. Mais il y eut d’abord 1973… Le 11 septembre 1973, un coup d’État militaire fait basculer le Chili dans l’horreur. Le président Allende est renversé par le commandant en chef de l’armée, le général Pinochet.

Samedi à 21h50, La Trois rediffuse le documentaire «Santiago, Italia», qui décrit le rôle de l’ambassade d’Italie dans l’accueil de centaines de demandeurs d’asile au lendemain du coup d’État. Et mardi, dès 22.30, Arte consacre sa soirée à cet anniversaire en programmant trois documentaires complémentaires.

Des réformes radicales

L’histoire commence trois ans plus tôt, en 1970. Cette année-là, les divers partis de la gauche chilienne décident de s’allier pour présenter un seul et unique candidat à l’élection présidentielle. C’est l’Unidad Popular qui mène Salvador Allende au pouvoir. L’homme a fondé le Parti socialiste chilien, il a été député, sénateur et il a promis des réformes radicales.

Au programme : expropriation des grands propriétaires terriens, réforme agraire, nationalisation de toute une série d’industries, blocage des prix, augmentation importante des salaires… Une à une, ces mesures sont adoptées. Mais elles provoquent des réactions en cascade. Les investisseurs étrangers quittent le pays, les exportations s’effondrent et la monnaie nationale ne tarde pas à suivre la même pente glissante. L’inflation bat tous les records : elle frôle les 200 % en 1972 et dépasse largement les 300 % en 1973.

En pleine guerre froide

Les réformes d’Allende ne plaisent donc pas à tout le monde. La population chilienne subit la crise économique de plein fouet et l’on sent monter le mécontentement au cœur du pays. Mais ça gronde aussi à l’étranger. Il faut se rappeler qu’on est alors en pleine guerre froide. Les États-Unis craignent que le Chili ne ressemble bientôt à Cuba et qu’il devienne pour l’URSS une tête de pont au sud du continent américain. L’opposition intérieure sait donc qu’elle peut compter sur quelque soutien de l’étranger… Le 11 septembre 1973 au matin, le palais présidentiel est pris d’assaut par l’armée. Le putsch est mené par le général Augusto Pinochet. Il propose à Allende un sauf-conduit pour quitter le pays. Le Président refuse. Il préfère se suicider avec l’arme que lui avait offerte son ami Fidel Castro.

Une répression sanglante

Dans les heures et les jours qui suivent, la junte militaire dissout les assemblées, les partis politiques et les syndicats. La Constitution est suspendue et la liberté de la presse abolie. L’état d’urgence est proclamé et le couvre-feu instauré. La répression est sanglante. Toute personne soupçonnée d’avoir des sympathies à gauche est arrêtée. Les chiffres restent difficiles à établir, mais on estime que 50.000 personnes seront emprisonnées pour motif politique, et 30.000 d’entre elles torturées. Entre 3.000 et 4.000 ont été exécutées, sont mortes dans les geôles du dictateur ou sont portées disparues.

Jamais jugé

Augusto Pinochet restera au pouvoir jusqu’en 1990. Ensuite inculpé pour les exactions commises durant la dictature, il mourra en 2006 sans avoir jamais été jugé. Car les Chiliens restent très partagés sur cette période de leur histoire. Si certains voient en Pinochet un sanglant personnage, d’autres louent sa politique économique néo-libérale qui a permis au pays de se redresser.

Cette fracture demeure aujourd’hui. Ainsi, lors d’un référendum organisé en 2022, 62 % des Chiliens ont refusé un nouveau projet de Constitution plus progressiste, préférant conserver la Constitution adoptée en 1980 sous la dictature. 

Cet article est paru dans le Télépro du 7/9/2023

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