Les Évangéliques et leur influence sur la vie politique

Donald Trump a nommé des évangéliques et des directeurs de foi à chaque niveau de l’administration © Arte/Artline Films

Boostés par Trump, les chrétiens se lancent à la reconquête du monde. Au détriment de la démocratie ?

Personne n’a oublié ces images. Le 6 janvier 2021, des partisans de Donald Trump, contestant la victoire de Joe Biden, prennent d’assaut le Capitole. Les États-Unis passent à deux doigts du coup d’État. Les assaillants sont d’une grande violence. Mais au milieu des cris, on entend certains prier. Dans tout ce brouhaha, il est question de Jésus-Christ. Que vient faire la religion dans cette insurrection ? Ce mardi dès 20h55, Arte revient sur la question avec un documentaire édifiant en trois parties : «Les Évangéliques à la conquête du monde».

Retour à la Bible

On pense souvent que la religion chrétienne est en perte de vitesse. C’est vrai en Europe, mais pas à l’échelle du monde. Tous les chiffres le prouvent : le christianisme est en pleine expansion. Il ne s’agit toutefois pas de la religion qu’on connaît chez nous, mais d’une variante propagée par le courant évangélique. Ce n’est donc pas exactement la religion de Rome, mais plutôt celle de Washington… Le mouvement évangélique naît aux États-Unis au début du XXe siècle. Des chrétiens traditionnels refusent la modernisation du monde, notamment les théories de Darwin sur l’origine de l’espèce. Ils prônent un retour à la Bible. Pour eux, que l’on fasse de la biologie, de la politique ou de la littérature, il faut d’abord se plier aux textes bibliques. Le mouvement se répand après la Seconde Guerre mondiale, avec le pasteur Billy Graham. L’homme a son émission hebdomadaire et remplit des stades.

À la Maison Blanche

Mais peu à peu, le message moral se déplace vers le terrain politique. En 1955, Graham fait un meeting à Paris. Le philosophe Roland Barthes y assiste. Il est stupéfait par la rhétorique de marchand de tapis : le pasteur vend Jésus comme il vendrait un aspirateur. Barthes estime aussi que ce meeting est un «épisode maccarthyste». En pleine guerre froide, le leader de l’église évangélique mène une véritable croisade à travers les États-Unis et aux quatre coins du monde. Il porte les valeurs du christianisme contre les dangers du communisme. Au fil des années, ses liens avec le pouvoir vont se resserrer. Billy Graham sera très proche de la Maison Blanche. D’abord du président Eisenhower, qu’il convainc de faire imprimer la devise «In God We Trust» sur les billets de banque. Puis du président Nixon, qu’il assistera dans l’ombre. Le pasteur Graham contribue ensuite à l’élection de Ronald Reagan. Et quelques années plus tard, George W. Bush affirmera que c’est grâce à Graham qu’il a arrêté de boire…

Directeurs de la foi

Et Donald Trump ? Bien qu’il ne soit sans doute pas le plus pieu des Américains, Trump s’est rapproché des évangéliques dès sa candidature, persuadé qu’ils pourraient l’aider à accéder à la Maison Blanche. De fait, plus de 80 % des évangéliques ont voté pour lui. Une fois au pouvoir, Trump n’a pas été ingrat. Il a nommé bon nombre d’évangéliques dans son entourage proche. Chaque ministère, chaque agence gouvernementale, chaque administration a aussi été doté d’un directeur de la foi. Objectif : s’assurer que chaque décision est bien conforme aux textes bibliques. La remise en cause du droit à l’avortement n’est que la pointe de l’iceberg. En réalité, du système de santé à l’industrie cinématographique, c’est toute la vie des Américains qu’évangéliques et républicains tentent de faire rentrer dans la droite ligne de la religion. Ce mélange du religieux et du politique menace évidemment la démocratie. Et pas qu’aux États-Unis. L’élection de Bolsonaro au Brésil a également été appuyée par les évangéliques. Et l’Europe n’est pas à l’abri…

Cet article est paru dans le Télépro du 30/3/2023

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