Les militantes du climat

Après son exploit, Julia fut surnommée «Butterfly», «papillon»... © Getty Images

Que faisiez-vous entre décembre 1997 et décembre 1999 ? Julia Hill, elle, vécut dans un arbre…

On connait Adélaïde Charlier, la Namuroise. Et Anuna De Wever, l’Anversoise. Depuis quelques années, de jeunes militantes sont devenues les figures emblématiques de la cause climatique. Léna en France, Luisa en Allemagne, Mitzi qui a vécu l’enfer des typhons au Philippines, ou encore Leah qui se désole de voir son Ouganda ressembler à une décharge… Toutes s’inscrivent dans le mouvement mondial initié en Suède par Greta Thunberg.

Mais avant cette dernière, il y eut Julia Hill, qui vécut deux ans dans un arbre pour sauver une forêt. Ce lundi à 20h35 sur La Trois, dans «Sœurs de combat», le documentaire signé Henri de Gerlache que diffuse La Trois, Cécile de France raconte le destin croisé de toutes ces femmes.

Le rendement d’abord

Tout commence donc avec Julia Hill. Elle a 23 ans, en 1997, quand la Pacific Lumber Company, l’une des principales exploitations forestières de Californie, décide d’abattre une forêt de séquoias millénaires. La compagnie a longtemps pratiqué des coupes sélectives, qui permettent une régénération de la nature. Mais pour un rendement maximal, elle décide de faire désormais des coupes à blanc : tous les arbres d’une même parcelle sont abattus d’un coup. C’est dommageable tant pour l’environnement que pour la population. Après une première coupe, un glissement de terrain ne tarde pas à se produire, ensevelissant des dizaines de maisons.

Une survivante

Les défenseurs de l’environnement se mobilisent. Parmi eux, Julia Hill, qui n’a aucune expérience du militantisme. L’année précédente, elle a survécu à un grave accident de la route. Cela l’a amenée à se poser toute une série de questions sur la vie et la mort. «Quand je suis entrée dans la forêt de séquoias», explique-t-elle, «je me suis dit : « C’est une cathédrale. Dieu est juste là.  » J’ai pensé aux 1.001 choses que les humains ont tenté de construire pour se rapprocher de Dieu. Alors que ces forêts, ces océans et tout ce qui nous entoure sont un moyen pour Dieu de nous dire : « Je suis là. « » Les activistes décident d’organiser un «tree-sitting». Ils construisent une petite plateforme à 50 mètres du sol, à la cime d’un séquoia qu’ils baptisent Luna. Qui veut monter pour l’occuper ? C’est Julia qui est désignée. Elle pense y rester quelques heures, quelques jours peut-être… Elle va y passer deux ans !

738 jours

Pour Luna et l’équipe qui la soutient au sol, c’est un défi de tous les instants. La jeune femme vit sur quelques mètres carrés, abritée par des bâches en plastique. Elle subit les menaces quotidiennes des bûcherons qui ont déjà entraîné la mort d’un autre manifestant. Elle tremble quand Pacific Lumber envoie des hélicoptères la déstabiliser au plus près de son abri. Elle affronte un hiver particulièrement rigoureux et des tempêtes mémorables. Mais elle ne cède pas. C’est la compagnie qui finit par s’incliner. Au bout de 738 jours, Julia peut descendre de son arbre. Sur les images d’archives, on la voit s’écrouler en larmes au pied de Luna : «On l’a fait ! On a réussi !»

Merci, les filles

Julia a aujourd’hui 49 ans. Elle ne s’étonne pas que les militants du climat soient d’abord des militantes. Parce que les femmes prennent soin de la planète comme elles ont toujours pris soin de leur famille ou de leur maison. «Merci de vous battre pour ce qui est important dans la vie», dit-elle à Adélaïde, Anuna et toutes les autres. «Si un jour vous vous sentez seule, effrayées ou submergées, souvenez-vous qu’on est liées comme les racines des arbres qui serpentent sous terre.»

Cet article est paru dans le Télépro du 3/11/2022

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