Les Tribunaux d’Hitler : la justice au service de la terreur

Sous le régime nazi, les tribunaux furent mis au pas et prononcèrent des milliers de condamnations à mort © RTBF/Arte France/Zed

Sous le régime nazi, les tribunaux ont contribué à l’éradication de toute forme d’opposition.

Seize mille condamnations à mort prononcées par les tribunaux nazis, auxquelles s’ajoutent les trente mille issues des tribunaux militaires. C’est le bilan de la justice nazie et de ses juges à la botte de l’idéologie raciste prônée par le national-socialisme. Samedi à 20h30, La Trois revient sur cette tragédie grâce à un remarquable documentaire, «Les Tribunaux d’Hitler», également diffusé mardi à 20h55 sur Arte.

Le pouvoir de l’arbitraire

1933. Les nazis accèdent au pouvoir grâce, faut-il le rappeler, à des élections libres et non par un coup d’État. Hitler est désigné comme chancelier avant de contrôler rapidement tous les rouages du pouvoir et de liquider toute opposition politique. La justice est alors la première institution visée par une nazification totale des tribunaux. Dès 1933, une interprétation fallacieuse de la détention préventive ouvre le droit pour la police d’agir à sa guise, sans le contrôle des tribunaux. Il s’agit de permettre les arrestations arbitraires des opposants, ou supposés tels, au nouveau régime en place. Apparus dès 1933, les premiers camps de concentration autorisent notamment à la SS de détenir des prisonniers en dehors du système carcéral habituel et de leur infliger des sévices loin du regard de la société civile. Mais cela ne veut pas dire que les tribunaux classiques ne fonctionnent plus. Ils continuent à juger les délits de droit commun.

Les juges mis au pas

Néanmoins, tout le système judiciaire fait l’objet d’une refonte en le mettant en conformité absolue avec l’idéologie nazie, comme par ailleurs des pans entiers de la vie quotidienne d’Allemands mis au pas par un contrôle très strict de leurs moindres faits et gestes. Toutes les associations ou corporations directement liées à la pratique de la justice sont rassemblées sous l’unique Ligue nationale-socialiste des juristes allemands. Les premières lois antisémites en excluent les Juifs. Le contenu même du droit allemand est expurgé de toute connotation juive aux yeux de la doctrine nazie, les magistrats devant se laisser guider uniquement par leur «sain sentiment populaire».

Le tribunal populaire

Des cours spéciales traitent des affaires politiquement sensibles, tandis que les cas de haute trahison relèvent dès 1934 d’un tribunal populaire siégeant à Berlin. Celui-ci devient aussitôt le moteur du système de terreur engendré par le régime, condamnant à qui mieux mieux des dizaines de milliers de victimes considérées comme «la vermine du peuple» et d’autres à une mort certaine pour «avoir trahi le peuple allemand». Ce sort est réservé notamment aux commanditaires – de hauts gradés de l’armée – de l’attentat contre Hitler en juillet 1944.

Le calvaire de Hans Litten

Il ne fait pas bon être juif en Allemagne dans les années 1930 et encore moins avoir défendu les opposants au nazisme. Tel est le cas de Hans Litten, né dans une famille juive pourtant convertie au protestantisme. Avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, le jeune juriste prend fait et cause pour les ouvriers, puis pour tous ceux qui ont affaire au parti nazi en pleine ascension. En 1931, il convoque à la barre, comme témoin, Adolf Hitler en personne dans le cadre d’un procès contre des membres de la SA – la section d’assaut des nazis – qui avaient ouvert le feu sur des manifestants communistes. Le futur Führer est tellement sous le choc de cet interrogatoire, qui durera trois heures, qu’il interdit à quiconque d’encore prononcer le nom de l’avocat. Arrêté après l’incendie du Reichstag, le 28 février 1933, Hans Litten mourra cinq ans plus tard au camp de concentration de Dachau.

Cet article est paru dans le Télépro du 14/9/2023

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