Mafias et banques : l’alliance occulte

Image extraite du documentaire diffusé ce mardi sur Arte © Arte/Yami 2

L’histoire passionnante du mariage entre le crime organisé et les institutions bancaires est racontée ce mardi à 20h55 sur Arte avec le documentaire en trois parties «Mafias et banques».

«Ce qui nous intéressait, mon collègue journaliste Mathieu Verboud et moi, c’était de voir l’état de nos démocraties par le prisme du crime organisé et de ses alliances avec le système bancaire». Christophe Bouquet, réalisateur du documentaire «Mafias et banques» (mardi sur Arte), marque une pause. Il reprend. Son constat est glaçant. «Il y a vraiment une volonté de partenariats tant du côté des banquiers que de celui des mafieux. Une volonté de créer un espace criminogène très fort qui a pignon sur rue. Que fait le monde politique ? Son manque de réaction m’inquiète. Nous avons fini ce documentaire un peu amochés, en nous disant : ‘quel monde de m… ’ ! Et le pire est à venir».

Deux ans d’enquête

Un silence plein de fatalisme et de désespérance s’installe. Le réalisateur ne sort pas indemne de ce projet porté depuis deux ans. Le résultat ? Une enquête prenante et documentée, portée par un rythme narratif puissant. Un thriller historique en trois parties pour mieux comprendre comment est née et a évolué l’alliance occulte entre mafieux et banquiers.

Le déclic Al Capone

Où commencer le récit ? Quand ces deux mondes autrefois cloisonnés commencent-ils à converger ? C’est la question à laquelle le doc répond dans sa première partie, «Les pionniers». Depuis 1920 et la prohibition de l’alcool, l’argent coule à flot dans les poches de la pègre américaine. En 1929, la crise économique frappe les États-Unis. De grandes fortunes cherchent à échapper à l’impôt, la mafia s’insinue dans les circuits de l’évasion fiscale pour mettre le magot à l’abri. «Clairement, l’arrestation d’Al Capone pour fraude fiscale en 1931 a un effet déclencheur», analyse Christophe Bouquet. «Le crime organisé comprend qu’il va falloir jouer au chat et à la souris avec les institutions.» Mafieux et financiers commencent à utiliser des réseaux de dissimulation et d’évasion fiscale. Un nom ressort alors : Meyer Lansky, le «comptable» de Lucky Luciano (patron de Cosa Nostra), l’homme qui fait de la mafia une des entreprises les plus rentables d’Amérique.

Coïncidence historique

Un deuxième afflux d’argent est à l’origine de l’étape suivante, avec l’arrivée massive de la cocaïne. L’alliance mafias-banques franchit un nouveau palier. «Cela correspond à la dérégulation des marchés financiers avec le président Reagan, au début des années 1980. Les contrôles bancaires s’assouplissent. On voit émerger un nouveau type de fiscalistes et de banquiers spécialisés dans la création de produits permettant l’évasion fiscale à très grande échelle.» La notion de paradis fiscaux devient pratiquement incontournable pour les grandes fortunes. Dans la deuxième partie du documentaire intitulée «Follow the money» (suivez l’argent), le témoignage d’un ex-agent des douanes américain infiltré dans le cartel de Medellín comme «blanchisseur» est édifiant à ce sujet.

Nouvelle bascule

Erevan, Arménie, 1993. La scène est surréaliste. Les parrains de différentes mafias se réunissent. «Je n’y étais pas (rire). Mais on peut parler de coalition du monde criminel, de décision entrepreneuriale de mettre tous les réseaux en commun. Le monde est à vendre et tous les moyens sont bons pour se l’accaparer.» À partir de ce moment, on retrouve dans des banques des produits financiers autour desquels gravitent les triades, le crime organisé colombien, certains groupes nigériens, des dirigeants communistes chinois, le Hezbollah libanais… C’est la création des premières autoroutes criminelles, le troisième étage de la fusée mafias-banques, le troisième volet de cette trilogie à voir absolument ! 

Cet article est paru dans le Télépro du 23/11/2023

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