Nouvelle chance pour jeunes en errance

Sur les terres de la ferme Ecosphère Bella Terra de Genappe, une yourte et cinq tiny houses accueillent cinq jeunes de 12 à 23 ans © Photo : Christine Rasir

Les jeunes dits «incasables» sont ceux dont plus personne ne veut, ni les institutions, ni les hôpitaux, tellement ils sont à fleur de peau… Un sujet évoqué ce lundi à 20h30, La Trois diffuse le documentaire «Ados incasables».

Le projet pilote belge «En Terre-1-Connue» prend en charge les ados dits «incasables» en cassant les codes des institutions classiques, grâce à un accompagnement sur mesure. Durant un an, le réalisateur Clément Leenhardt a suivi ces jeunes et leurs éducateurs… Sur les terres de la ferme Ecosphère Bella Terra, à Genappe (Brabant wallon), une yourte et cinq tiny houses accueillent maximum cinq jeunes de 12 à 23 ans, pour un séjour de trois à six mois. Des jeunes en souffrance, ballottés d’institution en institution, cabossés par la vie. Entourés par quatre éducateurs, un coordinateur et une psychologue, ils tentent ici de donner du sens à leur avenir et mettent les mains dans la terre pour aider aux travaux de la ferme bio. Sophie Seynaeve, psychologue, et Julien Bronchart, éducateur spécialisé, nous accueillent dans la yourte et nous expliquent leur quotidien.

Un éducateur par jeune

«En Terre-1-Connue est un outil d’accueil à la croisée de trois secteurs : Aide à la jeunesse, Santé mentale et Handicap», précisent-ils. «Pour être admis, le jeune doit être au carrefour de minimum de deux de ces trois secteurs. Ces jeunes ont connu des échecs répétés dans les accompagnements précédents et connaissent de grandes tensions dans leur milieu de vie. Ils ont besoin d’un temps de répit et souvent, l’institution qui les accueille habituellement, dépassée et impuissante, en a besoin aussi. Mais ils retournent dans leur lieu de vie chaque weekend et l’objectif est, à terme, de les réinsérer dans ce milieu. Un des critères d’admission est d’ailleurs que le jeune dispose d’une attache dans le Brabant wallon via son réseau, afin de pouvoir collaborer avec ce réseau qui va le soutenir dans sa démarche.»

Sur place, les accueillis bénéficient du soutien d’un éducateur par jeune, là où les institutions spécialisées en comptent plutôt un pour dix… «Nous travaillons sous le mandat du jeune et des comités d’accompagnement intersectoriel sont régulièrement organisés avec lui et son réseau. En Terre-1-Connue n’est donc pas un lieu de vie permanent, mais un outil, mené par une équipe pluridisciplinaire. Un comité externe constitué de professionnels nous aide à réfléchir sur le meilleur moyen d’accueillir le jeune. Et un comité d’ambassadeurs, également constitué de professionnels, nous soutient et fait évoluer notre démarche.»

De multiples «blessures du lien»

«Ces jeunes ont connu de multiples «blessures du lien», des ruptures, des abandons. Ils ont accumulé beaucoup de colère et de violence», poursuivent Sophie Seynaeve et Julien Bronchart. «Nous acceptons leurs fêlures et travaillons avec eux dans un accompagnement sur mesure, sans leur imposer de sanction ni d’exclusion en cas de comportement problématique. Nous misons sur la responsabilisation, l’estime de soi et l’autonomie. Chaque jeune a des tâches quotidiennes et rend service à la collectivité : courses, repas, vaisselle, nettoyage des sanitaires et des tiny houses, etc. Chaque matin, peu importe la météo, il participe aux activités de la ferme, au rythme de la nature, du potager et du poulailler… L’après-midi, il a le choix entre des activités sportives, théâtrales ou artistiques. Un groupe de parole est animé par un psychologue externe tous les quinze jours. Nous utilisons aussi la technique de la médiation animale. Nous sommes en permanence avec ces jeunes, nous participons aux mêmes activités. Nous n’avons pas de bureaux : notre bureau, ce sont les champs. Ce contact permet de nouer une véritable relation et d’anticiper les crises inévitables…»

Au milieu des champs, entouré d’animaux, le jeune vit pour la première fois de sa vie dans un lieu ouvert, où il n’y a pas de murs. En terre inconnue, mais au plus près du travail de la terre. Comme un retour à la nature… 

Cet article est paru dans le Télépro du 14/12/2023

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