Passer l’«american dream» à la machine

Pendant que les 300 machines tournent 24h/24 et que ça cancane, le business continue de tourner lui aussi... © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Arte nous emmène à Berwyn, une banlieue déshéritée de Chicago, où la laverie automatique, la plus grande du monde, est une institution pour les habitants.

Dans certaines villes, c’est le bar du coin, dans d’autres, c’est chez le coiffeur, à Berwyn, c’est le lavomatic qui fait office de lieu privilégié pour se retrouver entre voisins et partager petits espoirs ou grands tracas.

Business du linge sale… en famille

Cela fait deux décennies que Tom Benson fait tourner les machines à lessiver et par la même occasion son commerce prospère, en compagnie de son fils et parfois de sa petite-fille. L’endroit est, comme souvent aux États-Unis, démesuré. Dans cet espace de 1.300 m2, les 300 machines rutilantes tournent 24 heures sur 24, le tout grâce à la vingtaine d’employés, principalement des femmes mexicaines arrivées illégalement à l’adolescence.

Self-made-man

Le patron de ce lieu hors du commun est, lui aussi, à l’image de son pays : un adepte de la philosophie du «self-mademan », comprenez, l’homme qui s’est construit une carrière en partant de rien ou presque. Tom a même dû le faire deux fois, après qu’un incendie a ravagé son établissement. «Ça s’est produit un dimanche d’août», se souvient-il dans le documentaire. «Quand je suis arrivé et que j’ai vu mes employés assis sur le trottoir devant l’entreprise en cendres, j’ai compris que je devais les relever et que l’on allait reconstruire cet endroit pour en faire bien plus qu’une simple laverie automatique.»

Foule sentimentale

Le plus grand lavoir automatique du monde n’a rien d’un endroit de passage. La clientèle, très modeste, s’y installe, certes pour lancer une lessive, mais aussi pour manger, faire jouer les enfants, les encourager, avancer dans leurs devoirs ou, tout simplement, pour tailler une bavette. Cependant, ne nous y trompons pas, même si le patron salue tous ses employés par leur prénom, organise des distributions de pizzas gratuites le mercredi soir et verse des chèques généreux à l’école du coin, sa principale obsession, c’est le profit. «On peut faire des choses formidables sans sacrifier notre envie de faire de l’argent en toutes circonstances», affirme-t-il.

L’argent avant tout

Ainsi, pour ses employés, la mutuelle santé est inexistante, les heures prestées la nuit sont à peine payées 50 centimes de plus. En pleine pandémie de covid, les salariés malades n’ont eu d’autres choix que de venir au travail s’ils voulaient rester à flot. Enfin, tout ce petit monde reçoit le salaire minimum. À l’époque du documentaire, soit en 2020, la perspective de voir ce salaire passer de 11,25 à 12,40 $ de l’heure angoissait sérieusement l’équipe aux commandes. Pour Benson fils, une solution : diminuer d’un quart au moins le nombre d’heures supplémentaires. Vous avez dit rêve américain ?

Cet article est paru dans le Télépro du 10/08/2023.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici