Pierre Poujade, le premier poujadiste

En 1956, Pierre Poujade a fait trembler les bases de la République française © France 5/Les Bons clients

Derrière les mots «poujadisme» et «poujadiste», il y eut d’abord un homme qui fit trembler la France : Pierre Poujade. Ce dimanche à 22h50, France 5 diffuse le documentaire «Poujade, à l’assaut de la République».

Poujadisme, poujadiste… Ces mots sont fréquemment présents dans les médias. Quand Alexander De Croo propose de raboter le salaire des ministres, Le Soir se demande si ce n’est pas «un coup de com‘ qui frise le poujadisme». Quand L’Avenir évoque «C’est vous qui le dites» (VivaCité), il note que «l’émission est parfois à la limite du poujadisme». Quand on interroge Paul Magnette sur le PTB, il dénonce «un parti poujadiste qui n’apporte rien au débat»… Mais qui se souvient qu’à l’origine de ces mots, il y eut un homme ? Ce dimanche soir, France 5, consacre sa «Case du siècle» à Pierre Poujade.

Ces vautours du fisc

«As-tu déclaré ton salaire, as-tu déclaré tes rev’nus ? As-tu déclaré ton grand-père, ton écumoire et ta tortue ? As-tu déclaré tes lunettes, ta sœur et tes boutons d’manchette ?» Cette vieille chanson satirique sur les impôts devait plaire à Pierre Poujade.

En 1953, l’homme est libraire-papetier à Saint-Céré, une petite bourgade de trois mille habitants dans le Sud-Ouest de la France. En plein juillet, un commerçant du bourg est averti qu’il va subir un contrôle fiscal. Poujade a 33 ans, il est conseiller municipal et c’est un fort en gueule – connu pour être bagarreur, proche de l’extrême-droite et de Vichy durant la guerre, même s’il la termina comme résistant.

Il décide de prendre la tête d’un groupe de commerçants pour s’opposer à ces «vautours du fisc», «ces gros bonnets» qui viennent tuer «les petites gens». Tant et si bien que les inspecteurs doivent rebrousser chemin.

Renverser le système

L’affaire fait grand bruit. Parce que jamais personne n’a osé cela auparavant. Mais surtout parce que les arguments de Poujade parlent à la France profonde d’après-guerre. Le pays se modernise à grande vitesse, les jeunes quittent les campagnes, les centres commerciaux ne vont pas tarder arriver… Que vont devenir les petits artisans et commerçants de province ?

La révolte de Saint-Céré fait tache d’huile. Des actions semblables sont menées aux quatre coins de la France. Des heurts éclatent. C’est l’escalade. Poujade décide de surfer sur la vague. Il est bel homme, sympathique, excellent orateur, et il ne tarde pas à rallier les foules. En 1954, il fonde l’UDCA, l’Union de défense des commerçants et artisans.

Son combat ne se limite plus à la fiscalité, il veut «renverser le système». Ses propos sont durs, parfois haineux. Il veut «pendre les traîtres». Il s’en prend aux Juifs et aux «métèques». Certains considèrent alors l’UDCA comme un nouveau parti fasciste.

Le jeune Le Pen

En 1955, un sondage indique que Poujade a la sympathie de 35 % des Français. L’année suivante, cela se traduit dans les urnes : l’UDCA rafle 52 sièges à l’Assemblée nationale. Jusque-là composée d’avocats ou de médecins, elle voit donc arriver des épiciers, des artisans, des agriculteurs. Ils n’ont aucune expérience de la politique mais surtout, leur parti n’a aucun programme.

Poujade a voulu tout détruire, mais il n’a aucune idée de la manière dont il veut reconstruire. Seul l’un de ses jeunes députés, un juriste trentenaire, a une véritable pensée politique. Il s’appelle Jean-Marie Le Pen. Des 52 députés issus de l’UDCA, c’est d’ailleurs le seul qui sera réélu aux élections suivantes. Avant de faire la carrière qu’on lui connaît…

Poujade, lui, mourra en 2003 dans un certain oubli. Mais fier de dire qu’il est le seul homme vivant dont le nom est au Larousse avec un -isme et un -iste.

Cet article est paru dans le Télépro du 23/11/2023

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