Reichstag : la démocratie incendiée

Après l’incendie, l'essentiel du Reichstag est intact, mais l’hémicycle est totalement ravagé © Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

En 1933, un incendie sert de prétexte à Hitler pour instaurer la tyrannie nazie. 90 ans après, le mystère demeure : qui a mis le feu au Reichstag ? Ce dimanche à 20h50, La Une diffuse le documentaire «L’Incendie du Reichstag : quand la démocratie brûle».

Berlin, 1933. Dans la soirée du 27 février, le palais du Reichstag, siège du parlement et cœur de la démocratie allemande, s’embrase. Tout un symbole ! Cet incendie criminel – habilement exploité par Hitler, nommé chancelier depuis moins d’un mois – marque l’avènement du IIIe Reich. Dimanche, un documentaire retrace l’événement qui a fait basculer l’Allemagne dans les années les plus sombres de son histoire.

En 1928, la République allemande est au bord de la guerre civile. Dans les rues et dans les urnes, des milices communistes et nazies s’affrontent. Au fil des scrutins, Hitler et ses «Sections d’Assaut» en chemises brunes gagnent du terrain. Le 30 janvier 1933, grâce à une coalition instable avec la droite, le Führer devient chancelier.

Après la dissolution du Reichstag, des élections – les quatrièmes en un an – sont prévues début mars. Les opposants sont empêchés de faire campagne et la rumeur d’un coup monté des nazis pour s’emparer du pouvoir se répand. Dans son journal, Joseph Goebbels, futur ministre de la propagande, écrit «il faut d’abord que ça s’enflamme»…

Jeune illuminé

Et justement, dans la soirée du 27 février, une fumée noire recouvre le ciel de la capitale et des flammes s’échappent du Reichstag, faisant exploser la coupole de la salle plénière dans un fracas assourdissant. À l’intérieur du bâtiment en feu, un jeune illuminé, torse nu, erre, des allume-feux dans les poches. Chômeur hollandais de 24 ans réputé communiste, Marinus van der Lubbe a le profil du coupable idéal. Des rafles sont lancées : en quelques jours, des milliers d’opposants sont arrêtés et enfermés dans les premiers camps de concentration nazis. Parmi eux, les supposés complices du bras armé de ce qu’Hitler présente comme un complot des communistes : trois communistes bulgares et le chef du groupe communiste au Reichstag.

Un procès spectacle

Rapidement, l’Allemagne glisse vers un État totalitaire : le chancelier obtient les pleins pouvoirs, pendant que le régime multiplie les opérations antisémites et que ses miliciens font régner la terreur. Hors des frontières par contre, la résistance s’organise et les communistes accusent les nazis d’avoir bouté le feu. En réponse, ceux-ci organisent le procès des incendiaires présumés.

Au bout de trois mois de débats, seul Marinus van der Lubbe est reconnu coupable, les autres étant acquittés faute de preuves. Le 10 janvier 1934, il est guillotiné dans la Cour du tribunal de Leipzig. Quelques mois plus tard, la mort du vieux maréchal-président Hindenburg permet à Hitler de fusionner les fonctions de chancelier et de président. L’Allemagne s’enfonce encore un peu plus dans la tyrannie. La théorie du complot communiste s’éteint, tandis que celle d’une conspiration nazie est étouffée. L’idée refait surface après la guerre, mais l’enquête ne sera jamais menée et, 90 ans plus tard, les doutes persistent…

Trois thèses

Dans cette affaire, trois thèses s’affrontent. D’abord, celle d’un complot communiste, qui a permis à Hitler de consolider son pouvoir, est aujourd’hui largement remise en cause par les historiens. Ensuite, la thèse d’un pyromane solitaire, en la personne de Marinus van der Lubbe, ne convainc pas plus aujourd’hui et ne colle pas avec les rapports des experts. Sa condamnation a d’ailleurs été annulée à titre posthume, en 2008. Enfin, la dernière, défendue par plusieurs historiens, est celle d’une manipulation de van der Lubbe par les nazis. Mais un débat subsiste sur l’instigateur : Goering, Goebbels ou un commando SA hors de tout contrôle ?

Cet article est paru dans le Télépro du 23/2/2023

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