Tu seras une star des réseaux, mon enfant

Attention, faire des likes grâce à votre progéniture n'est pas sans danger ! © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Facebook, Instagram, YouTube, Tiktok sont devenus des terrains de jeux numériques pour de nombreux adultes et, parfois, pour des familles entières, dont de très jeunes enfants. Ce dimanche à 20h55 sur France 5, «Le Monde en face» propose de découvrir un documentaire intitulé «Enfants sous influence».

Qu’on aime ou pas le concept des réseaux sociaux et des nombreux influenceurs qui les animent, voir un adulte consentant se ridiculiser gentiment, briller par son humour ou interagir avec sa communauté sur Internet n’a rien de bien méchant. Mais, que dire lorsque ces derniers décident d’impliquer leurs enfants dans leurs prouesses en ligne ?

Capitaliser sur l’enfance

Il y a quelques jours, Ruby Franke, maman de six enfants, devenue «célèbre» grâce à sa chaîne YouTube «8 Passengers», qui mettait notamment en scène le quotidien de sa famille nombreuse, a été arrêtée pour maltraitance aggravée sur ses enfants. Au gré de ses vidéos, la mère de famille avait pour habitude de vanter les mérites de ses méthodes éducatives particulièrement strictes, à coup de privation de nourriture par exemple. Avant de voir son compte YouTube fermé par les autorités, l’influenceuse américaine était suivie par près de 2,5 millions d’abonnés.

À côté de cette histoire extrême, il est évident que les nombreux parents qui exposent leur progéniture sur les réseaux ne sont pas tous des Ruby Franke en puissance. Cependant, si certains postent naïvement des photos de leurs têtes blondes, d’autres ont bien compris qu’il s’agissait là d’un véritable atout pour leur business numérique. «Aujourd’hui, un enfant apparaît en moyenne dans 1.300 photos et vidéos sur les réseaux sociaux avant l’âge de 13 ans», explique-t-on dans «Le Monde en face». «Et, les vidéos qui montrent un enfant comptabilisent trois fois plus de vues que les vidéos n’en comportant aucun.»

Au charbon… virtuel !

Chez nous, l’encadrement du travail des enfants de moins de 15 ans, ou toujours soumis à l’obligation scolaire, est régi par une loi datant de 1971. Si cette dernière précise qu’il est interdit de faire travailler des mineurs, certaines dérogations existent pour des prestations culturelles, comme acteur ou dans le secteur du mannequinat. Des décennies plus tard, le métier d’influenceur sur les réseaux sociaux peut-il légitimement intégrer cette catégorie ?

Si la France a légiféré en 2020 pour protéger les influenceurs de moins de 16 ans, en obligeant les parents, entre autres, à placer les rémunérations jusqu’à la majorité de leurs enfants, la Belgique n’a toujours pas tranché. «Il n’existe pas encore d’encadrement spécifique chez nous pour ces enfants», explique la chroniqueuse juridique de la RTBF, Yasmine Lamisse. «Il y a aujourd’hui un vide juridique car leur activité est considérée comme un loisir privé et échappe à tout contrôle à l’heure actuelle.»

Le saviez-vous ?

  • 50 % des photos et vidéos qui s’échangent sur les réseaux pédocriminels proviennent des réseaux sociaux et ont été publiées par les parents eux-mêmes.
  • Les jeunes ont la possibilité de recourir à l’Autorité de protection des données pour demander des suppressions d’images les représentant en mauvaise posture sur le Web. Mais selon Aurélie Waeterinckx, conseillère en communication et porte-parole du site de prévention Jedécide.be – plateforme qui informe jeunes et parents sur la vie privée en général -, une fois qu’une image est placée sur Internet, il est difficile d’en reprendre le contrôle intégralement.
  • En 2020, l’Américain Ryan Kaji, 9 ans à l’époque, était pour la troisième année consécutive considéré comme le youtubeur le mieux payé par le magazine Forbes, avec 29,5 millions de dollars générés en une année. Le concept de la chaîne lancée par les parents de Ryan en 2015 ? Filmer leur enfant en train de tester des nouveaux jouets.

Cet article est paru dans le Télépro du 14/9/2023

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