Umoja, havre de paix féminin

Pour fuir la violence et les mariages forcés, des femmes ont fondé un village exclusivement féminin, dans le nord du Kenya © Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

Dans le nord du Kenya, un village interdit aux hommes accueille une communauté de femmes, victimes de violences conjugales. Ce samedi à 17h15 sur Arte, un documentaire nous emmène à «Umoja, le village sans hommes».

«Si je n’avais pas fui, mon mari m’aurait tuée», confie Nairiamu, fraîchement arrivée à Umoja, un village unique en son genre auquel Arte consacre un documentaire (samedi 17.15). Dans le nord du Kenya, à 380 kilomètres de Nairobi, sur le territoire des Samburu (connus pour leurs imposantes parures de perles), ce village étonnant n’est composé que de femmes et d’enfants. Il est défendu par une clôture d’épines et son accès est formellement interdit aux… hommes ! Sécurité, respect et solidarité sont les maîtres mots d’Umoja, qui signifie «unité» en swahili. Depuis sa création en 1991, l’endroit a pour objectif de protéger les femmes en danger, répudiées par leur mari (souvent après avoir été violées) ou victimes de violences conjugales. Car la société Samburu est fondamentalement patriarcale. Dans ce peuple à l’origine nomade, les hommes règnent en maîtres absolus sur leur famille. Ils sont propriétaires de tous les biens, y compris de leurs femmes. Ils peuvent en épouser et en battre plusieurs…

Coopérative efficace

C’est pour fuir un mari violent que Rebecca Lolosoli, la fondatrice, tourne le dos à son ancienne vie, au début des années 1990. Avec l’aide d’une quinzaine de femmes au destin similaire, elle rêve d’une autre société. Déterminée à ne plus être une victime et à prendre sa vie en main, elle cherche un lieu où s’établir et fonde une communauté féminine et pacifique. «Nous avons fondé Umoja parce que les hommes Samburu sont violents», confie Rebecca dans le documentaire. «Ce village est réservé aux femmes, à celles qui ont été répudiées ou qui ont dû fuir, aux veuves et aux enfants.» L’idée était de survivre en vendant des bijoux de perles aux touristes venant faire des safaris. Les femmes d’Umoja se partagent tout ce qu’elles gagnent et parviennent vite à l’indépendance financière. «Quand on s’est établies ici, on ne savait pas si on parviendrait à s’en sortir seules», se souvient Rebecca. «Mais on a réussi. On gagne aujourd’hui notre propre argent. Et grâce aux dons que l’on reçoit, aucune d’entre nous ne s’endort jamais le ventre vide. Nous pouvons même envoyer nos enfants à l’école.»

Démocratie participative

Fierté de la petite communauté, l’école d’Umoja ne se contente pas d’apprendre à lire, écrire et compter, elle enseigne aussi que les filles ont des droits, qu’elles peuvent refuser de se faire exciser et de se marier. Et l’établissement accueille même des enfants d’autres villages, à la condition expresse que leur famille s’engage à ne leur faire subir ni mutilations génitales, ni mariage précoce. Deux pratiques très courantes chez les Samburu, malgré une interdiction à l’échelon national. À Umoja, la vie est bien différente de celle dans la savane. La démocratie participative y est de mise, toutes les décisions sont prises de façon collégiale. Une seule règle est indiscutable : aucun homme n’est accepté (excepté le directeur de l’école). Les relations amoureuses sont autorisées, mais uniquement en dehors de l’enceinte du village. Quant aux jeunes garçons, ils peuvent rester à Umoja jusqu’à leur majorité. Une fois adultes, ils partent, en emportant les valeurs transmises par ces femmes…

Cet article est paru dans le Télépro du 5/10/2023

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