Vladimir Poutine : le «tsar» star du by-pass

Pour contourner les sanctions occidentales à l’égard de la Russie, Vladimir peut compter, entre autres, sur son allié chinois, Xi Jinping © Getty Images

Vladimir Poutine ou l’art de contourner les sanctions internationales infligées à la Russie. Ce mardi à 22h25, Arte diffuse «Russie, commerce interdit ? De l’art de contourner les règles».

Qu’est-ce que l’Histoire retiendra du 728e jour de guerre en Ukraine ? Que ce mercredi-là, l’armée ukrainienne a démenti la perte d’une localité annoncée prise la veille par la Russie ? Pas sûr. Que, ce 21 février, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se sont mis d’accord sur de nouvelles sanctions vis-à-vis de Moscou ? Pas certain non plus. Depuis le début du conflit, c’est le treizième «paquet» du genre. À première vue, sans grand impact sur les hostilités : l’armée rouge ne fait pas mine de vouloir se retirer et Vladimir Poutine continue à rouler des mécaniques. Pour tenter de comprendre ce qui se passe, retour dix ans en arrière.

L’invasion

2014, c’est le début de ce qu’on appelle aujourd’hui la guerre russo-ukrainienne. Dans un premier temps, la Russie annexe la Crimée. Elle se tourne ensuite vers le Donbass, région frontalière industrielle de l’Est de l’Ukraine, où elle prête main forte aux séparatistes pro russes contre le gouvernement de Kiev. La guerre commence, les occidentaux réagissent. Sous l’impulsion des États-Unis, un premier train de sanctions est pris contre la Russie. Les accords de cessez-le-feu signés à Minsk ne sont suivis d’aucun effet. Pendant huit ans, la situation ne cesse de se dégrader. Le 24 février 2022, Vladimir lance ses troupes à l’assaut de l’Ukraine.

Les sanctions

En droit international, les sanctions sont des peines imposées par un État à un autre en raison de la menace que représente celui-ci pour la paix et la sécurité internationales. Depuis l’invasion il y a deux ans, 16.500 sanctions ont été imposées à la Russie, principalement par l’Australie, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Unis, le Japon et l’Union Européenne. L’argent russe est surtout visé. Selon la BBC, «des réserves de devises étrangères d’une valeur de 350 milliards de $, soit environ la moitié de ses réserves totales, ont été gelées».

Le Conseil de l’Europe dresse le bilan des mesures restrictives prises par l’Union Européenne. Elles touchent 1.718 personnes (le président Poutine, le ministre russe des affaires étrangères, les responsables des atrocités de Boutcha et Marioupol…) et 419 entités parmi lesquels des institutions bancaires, des entreprises des secteurs militaire et de la défense, le groupe Wagner. L’Union et les pays du G7 (les sept économies les plus «avancées» du monde) bloquent 300 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale de Russie, 21,5 milliards d’euros d’avoirs sont gelés dans l’UE. Conséquence, selon le Conseil de l’Europe : «Cela garantit que leur argent ne peut plus être utilisé pour soutenir le régime russe.»

By-pass

Interdiction d’exporter des technologies de pointe, des biens à double usage (les drones par exemple), interdiction d’importer du pétrole brut, de l’or, des diamants… la liste est longue. À cela, l’Union a ajouté en décembre une clause de non-réexportation vers la Russie pour certains biens (notamment liés à l’armement et à l’aéronautique). En lisant la liste des mesures, on pourrait imaginer la Russie bien mal en point. Et pourtant… La raison ? Les sanctions de l’UE contre la Russie seraient «massivement contournées» via des pays tiers. C’est la conclusion d’une étude récente menée à l’IÉSEG School of Management, une grande école de commerce privée française de l’Université catholique de Lille.

Hausse des marchés

Selon cette étude, seraient concernées «des marchandises «hautement prioritaires», comme des composants électriques ayant des applications militaires, soumises aux restrictions d’exportation de l’Union. «Les exportations de l’UE de ces éléments vers la Turquie, les Émirats arabes unis (EAU), le Kazakhstan et d’autres pays «proches du Kremlin» ont bondi de 2,979 milliards d’euros, soit 81,55 %, au cours de la période allant d’octobre 2022 à septembre 2023, par rapport à la période de l’année précédente.» Sans que cela puisse s’expliquer par une subite hausse de la demande intérieure de ces pays. Le Kirghizstan, notamment, où les exportations ont grimpé de 1.682,47 %. Côté hautes technologies, la Chine est un fournisseur de choix pour le Kremlin.

Au final, Vladimir Poutine répond aux sanctions par un laconique : «Nous avons la croissance, et eux une baisse». Traduction : même pas mal ! Selon le Fonds monétaire international, l’économie russe s’est contractée de 2,1 % en 2022, a progressé de 2,2 % l’an passé et devrait croître de 1,1 % cette année. Washington affirme de son côté que la croissance aurait dû être de 5 %. Comment dit-on by-pass en russe ?

Cet article est paru dans le Télépro du 7/3/2024

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici