L’espiègle Judith Magre toujours accro au théâtre à 90 ans

L'espiègle Judith Magre toujours accro au théâtre à 90 ans
AFP

Judith Magre a tout joué, d’Eschyle aux comédies de boulevard. La voici à 90 ans, toujours pimpante, dans le rôle d’une meurtrière énigmatique dans « L’Amante anglaise » de Marguerite Duras au Théâtre du Lucernaire.

« Ma vie c’est le théâtre. Autrement, je m’emmerde », lance-t-elle sans ambages. Judith Magre a son franc parler. Si elle était une vieille dame -mais elle n’en a pas l’air, bien droite, visage aux pommettes hautes et rouge à lèvre éclatant- ce serait définitivement une vieille dame indigne.

Mariée une fois (à Claude Lanzmann, de 1963 à 1971) elle n’a jamais voulu d’enfant. « J’ai horreur de ça, ça ne m’a pas encombré du moins! »

Ponctuelle, elle est tous les jours à 17H30 au théâtre. « J’aime bien ranger mes petites affaires dans ma loge, nettoyer mes pinceaux. Je ne pense pas à mon rôle, mais je suis bien. »

Près de deux heures plus tard, assise bien droite sur le plateau, elle est Claire Lannes, la meurtrière qui répond sans ciller à « l’interrogateur » (Jean-Claude Leguay). Il veut savoir pourquoi elle a tué sa cousine, puis l’a découpée en morceaux avant de les jeter d’un pont ferroviaire dans des trains de marchandises qui partaient aux quatre coins de la France.

Très calme, presque absente à elle-même, elle est parfaitement « durassienne ». Sans effort. « J’apprends le texte, je le dis, basta! »

La comédienne Judith Magre, le 29 avril 1990 à Paris

On est époustouflé devant cette petite bonne femme, impériale face à l’homme qui l’interroge, indifférente à tout, voire espiègle. « On dit que ce n’était pas mal trouvé », dit-elle à propos de la dispersion du corps jeté par morceaux du pont ferroviaire.

« J’aime bien dans la pièce de Duras que les gens rient », dit Judith Magre, malicieuse.

Elle « n’aime pas les souvenirs » et ne se retourne pas volontiers sur sa carrière : une centaine de pièces, dont plusieurs dans la Cour d’Honneur du Festival d’Avignon, 70 longs métrages, sans compter les rôles à la télévision.

Tout est parti d’une foucade d’adolescente. « Un jour on s’était engueulés à la maison, j’ai foutu le camp dans la nuit et je me suis retrouvée place Saint-Germain des Prés avec rien, pas un sou, pas de bagage, rien. »

Elle fait des petits boulots (vendeuse de tapis à la Foire de Paris!) étudie au Cours Simon et décroche son premier contrat grâce au « patron » René Simon.

« Je suis partie en tournée à Innsbruck, c’est là que j’ai fait ma première entrée en scène avec un vol plané, parce que j’avais tellement peur. Le régisseur m’a poussée, je suis arrivée à plat ventre en perdant mon chapeau et mon ombrelle, les gens ont cru que c’était dans la pièce, ils ont ri. Alors je me suis dit: « j’y suis, j’y reste! »

70 ans plus tard, elle y est toujours.

La comédienne Judith Magre, le 12 novembre 1986 à Paris

Duras, elle l’a rencontrée « quand elle était très jeune. On buvait des coups au Harry’s Bar. Elle aimait bien picoler et moi aussi. »

On retrouve dans « L’Amante anglaise » la fascination de Duras pour le fait divers (jusqu’au malheureux « Sublime, forcément sublime » à propos de Christine Villemin, suspectée d’avoir tué son fils Grégory). « L’Amante anglaise », qui joue sur l’homonymie avec « la menthe anglaise » qui pousse dans le jardin de la meurtrière, est inspirée par le crime perpétré en 1949 par Amélie Rabilloux à l’encontre de son mari.

Duras dresse le portrait d’une femme opaque, dont l’univers s’est rétréci à un petit banc de ciment dans son jardin. Jeune, elle a été follement amoureuse mais s’est mariée sans amour et « se demande bien à quoi (elle) a passé sa vie depuis ».

« J’y suis, j’y reste ! »

Judith Magre fait sentir toutes les nuances du personnage, à la fois terrifiante et butée comme une enfant. Non, elle ne dira pas où elle a mis la tête de sa cousine. Non, elle ne s’est pas expliquée sur son geste, parce qu’on « ne lui a pas posé la bonne question ».

La comédienne Judith Magre, le 29 avril 1990 à Paris

On est époustouflé devant cette petite bonne femme, impériale face à l’homme qui l’interroge, indifférente à tout, voire espiègle. « On dit que ce n’était pas mal trouvé », dit-elle à propos de la dispersion du corps jeté par morceaux du pont ferroviaire.

« J’aime bien dans la pièce de Duras que les gens rient », dit Judith Magre, malicieuse.

Elle « n’aime pas les souvenirs » et ne se retourne pas volontiers sur sa carrière : une centaine de pièces, dont plusieurs dans la Cour d’Honneur du Festival d’Avignon, 70 longs métrages, sans compter les rôles à la télévision.

Tout est parti d’une foucade d’adolescente. « Un jour on s’était engueulés à la maison, j’ai foutu le camp dans la nuit et je me suis retrouvée place Saint-Germain des Prés avec rien, pas un sou, pas de bagage, rien. »

Elle fait des petits boulots (vendeuse de tapis à la Foire de Paris!) étudie au Cours Simon et décroche son premier contrat grâce au « patron » René Simon.

« Je suis partie en tournée à Innsbruck, c’est là que j’ai fait ma première entrée en scène avec un vol plané, parce que j’avais tellement peur. Le régisseur m’a poussée, je suis arrivée à plat ventre en perdant mon chapeau et mon ombrelle, les gens ont cru que c’était dans la pièce, ils ont ri. Alors je me suis dit: « j’y suis, j’y reste! »

70 ans plus tard, elle y est toujours.

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