«Mariés au premier regard» (RTL-TVI) intrigue jusqu’aux plus hautes sphères de l’État

«Mariés au premier regard» (RTL-TVI) intrigue jusqu'aux plus hautes sphères de l'État
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Le collège des procureurs généraux est invité à adopter une position pour l’ensemble des arrondissements judiciaires du pays concernant les demandes de célébration de mariage de futurs époux se rencontrant le jour-même des noces, un concept notamment porté par l’émission «Mariés au premier regard» sur RTL-TVI.

« Il me paraît en effet judicieux d’inviter le collège des procureurs généraux à adopter une position générale concernant de telles demandes », a indiqué mercredi en commission, le ministre de la Justice Koen Geens. Interrogé par le député-échevin d’Ixelles Gautier Calomne (MR) et par le député-bourgmestre de Woluwe-St-Lambert Olivier Maingain (DéFI), tous les deux opposés à ce type d’initiatives, le ministre a rappelé les grandes lignes du Code civil, visant à protéger l’institution du mariage.

Selon le ministre, « l’usage qui est fait du mariage civil dans ce type d’émissions peut donner une image erronée de l’institution, qui est l’expression de la volonté de créer une communauté de vie durable ». M. Geens dit avoir appris que les participants à l’émission se marient, puis peuvent décider s’ils poursuivent ou non leur union. « 

Le mariage n’est pas une institution de recherche ou une phase de test », a-t-il averti. « Il s’agit d’être conscient des conséquences » d’un tel acte : le décès du conjoint, qui peut être criblé de dettes, avoir déjà des enfants, les conséquences sociales et fiscales… « Un mariage produit des effets », a-t-il rappelé.

Par ailleurs, il est clair que l’institution touche à l’ordre public, a poursuivi le ministre.

Koen Geens a renvoyé à l’autonomie de l’officier de l’état civil auquel il appartient d’apprécier les qualités et vérifier les conditions du mariage. Celui-ci doit notamment pouvoir s’assurer de l’échange des consentements libre et éclairé entre époux. Il doit pouvoir examiner les situations au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments pertinents au contrôle qu’il exerce ; il en va de sa responsabilité.

L’officier de l’état civil est en droit de refuser la célébration du mariage si les conditions ne sont pas remplies ou s’il est contraire à l’ordre public, a souligné le ministre. Il le fera par exemple si un des conjoints n’a pas une vision correcte du mariage.

Un conjoint ne « peut pas être mis sous pression par un programme » de télévision. Les candidats au mariage ont eux-même la possibilité d’introduire un recours devant le tribunal de la famille contre l’éventuel refus énoncé par l’officier de l’état civil. Ce dernier exerce « une mission compliquée », a encore dit le ministre.

Pour se forger une idée, l’officier de l’état civil peut consulter le procureur du roi qui dispose pour répondre d’un délai de deux mois, qui peut être prorogé de trois mois. À défaut, le mariage est prononcé sans délai. C’est d’ailleurs ce qu’a fait le bourgmestre de Woluwe-St-Lambert qui avait été sollicité par la production d’RTL-TVI pour célébrer un mariage « au premier regard ».

Interrogé par M. Maingain, le parquet de Bruxelles a estimé que ce type de mariages « n’offre pas les exigences requises en termes de consentement éclairé et partant, de projet raisonné et raisonnable de vie commune durable ». L’invitant à refuser une telle proposition, le premier substitut estimait que le mariage « vaut mieux qu’un coup de tête excité par les feux de la rampe voire l’appât du gain ».

À Bruxelles, les communes de Woluwe-St-Lambert, Molenbeek et Ixelles se sont opposées à une telle initiative. Le bourgmestre d’Evere a en revanche estimé que le débat n’était pas juridique mais éthique. Les députés Calomne et Maingain souhaitaient donc entendre du ministre de la Justice qu’il prenne une initiative afin d’éviter que certains fassent leur « shopping » nuptial.

La balle est désormais dans le camp du collège des procureurs généraux.

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