Philippe Delusinne : «Ce plan a pour objectif que RTL reste ce qu’elle est depuis trente ans» (interview)

Philippe Delusinne : «Ce plan a pour objectif que RTL reste ce qu'elle est depuis trente ans» (interview)
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Au lendemain de l’annonce du plan #Evolve qui prévoit la suppression de 105 postes à RTL Belgium, l’administrateur délégué se justifie et répond aux critiques.

Dans l’histoire de l’audiovisuel belge, on n’avait jamais vu pareille vague de licenciements : le groupe RTL (RTL-TVI, Club RTL, Plug RTL…) vient d’annoncer son intention de se séparer de 1 collaborateur sur 8 (si l’on tient compte des pigistes et travailleurs occasionnels) à court terme.

Annoncé officiellement ce jeudi 14 septembre, ce plan social fait partie d’un package de transformations à venir pour la chaîne privée, en vue de «d’assurer la pérennité de l’entreprise».

Tête pensante de ce vaste chantier, Philippe Delusinne, CEO de RTL Belgium, assume entièrement ses choix pris dans une conjoncture difficile.

Certains parlent de drame social. L’ambiance est lourde au sein du personnel. En tant que patron, dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

La victime, ce n’est pas moi. Mais je ne vais pas vous cacher que c’est un moment difficile. J’ai 60 ans, je suis dans le monde de l’entreprise depuis 1988, et administrateur délégué d’entreprises depuis 1993. J’espérais ne jamais passer par une phase comme celle-là. Je vous rappelle quand même qu’on est une «grande petite» entreprise où tout le monde se connaît, tout le monde s’appelle par son prénom. Tout le monde sait depuis des mois que l’on travaille à une réflexion fondamentale. Et tout le monde sait, par des fuites dans la presse, que l’on préparait un plan de transformation dont une des conséquences – hélas – est un plan social. Aujourd’hui, l’annonce officielle n’est qu’une confirmation, mais ça fait quand même un choc important. Je comprends absolument l’inquiétude qui peut exister aujourd’hui, notamment par rapport au chiffre annoncé. À titre personnel, c’est vraiment très douloureux. Mais encore une fois, pas d’autocompassion : la victime, ça n’est pas moi.

Des rumeurs dans la presse font état d’autres plans sociaux encore plus drastiques qui ont été envisagés ces derniers mois. Est-ce vrai ? A-t-on évité encore pire ?

La bonne nouvelle dans tout cela, c’est que nous avons eu l’assentiment à l’unanimité du conseil d’administration mercredi soir, pour le plan que l’on a présenté. Ce plan a pour objectif que RTL reste ce qu’elle est depuis trente ans, une famille de trois chaînes avec une chaîne leader dont la marque de fabrique est la proximité. C’est la vraie grande bonne nouvelle. Je sais que quand on annonce un plan avec plus de 100 départs, la bonne nouvelle peut paraître paradoxale. Mais c’est très important, parce qu’on aurait pu imaginer, vu la pression générale qui est la nôtre aujourd’hui, qu’on nous demande de prendre d’autres types de mesures. Par exemple détricoter la famille de trois chaînes. Ou encore ne plus être que la filiale belge d’une chaîne française (ndlr : M6). C’est un peu le paradoxe de ma position actuelle : à la fois, je suis ravi que notre plan ait été approuvé, parce qu’il permettra à notre entreprise d’être pérenne au moins pour les 10-15 prochaines années ; mais il y a hélas ce volet social qui est pénible.

C’est une façon de répondre au personnel, qui vous reproche un manque de stratégie au niveau du développement digital ?

J’ai le plus grand respect pour le personnel, avec qui j’ai des relations à ce jour toujours parfaites et un dialogue toujours très ouvert. Mais on ne peut pas à la fois nous reprocher d’avoir du retard dans un domaine et d’anticiper dans un autre… On se plaint qu’on va trop vite par rapport à TF1 et qu’on est trop tard par rapport au digital. Je répondrai de façon très claire : on a un management qui, depuis une bonne quinzaine d’années, dirige cette boîte de façon efficace. Nous avons pris les bonnes décisions au bon moment. Dans le digital, en ayant attendu aussi longtemps, cela nous a permis de ne pas perdre trop d’argent. Nous allons réagir très vite pour être présents dans ce domaine. Et pour TF1, on ne va pas attendre la tempête pour réagir : c’est quand la tempête s’annonce que l’on rentre les voiles, et pas quand on est dedans.

Parmi les 105 départs envisagés, sait-on déjà qui sera concerné ? Les plus anciens doivent-ils s’inquiéter ?

Précisons que ce sont 105 fonctions qui disparaîtraient. Il n’y a pas encore de noms collés à ces fonctions. Il n’y a pas de liste. On ne sait pas encore qui va nous quitter si le chiffre de 105 est confirmé dans les semaines à venir. Évidemment qu’il n’est pas question que ce soit les anciens qui partent. Que du contraire, il y a des gens qui doivent rester impérativement, même s’ils ont 60 ans et l’âge d’être prépensionnables. Il n’y a pas d’appel à candidatures, on ne veut pas se débarrasser des plus anciens. Nous voulons garder les plus compétents pour l’organisation que l’on met en place pour demain.

Des visages connus vont-ils disparaître de l’antenne à cause de ce plan ?

Comme il n’y a pas de liste des partants, je ne vais pas vous répondre oui ou non. Mais a priori, non.

Entretien : Julien Vandevenne

Dans votre plan #Evolve, l’un des points concerne la rédaction de RTL-TVI. L’offre de JT ou de magazines va-t-elle être réduite dans les mois à venir ?

Pas du tout. On va rester avec le 13 heures et le 19 heures que vous connaissez, ainsi que les émissions politiques. On va bien préserver tout ce qu’on a. C’est dans la manière de fonctionner, dans la manière de procéder, le mode opératoire pour relayer l’information qu’on va changer les choses. On va travailler autrement : nous allons mixer différemment «hot news» et «slow news». On pourrait imaginer qu’une équipe qui travaille un jour sur des fissures détectées dans une centrale nucléaire revienne le lendemain et le surlendemain avec un sujet plus «magazine» sur le fonctionnement du nucléaire. Je suis un grand défenseur de la rédaction. Je suis intimement convaincu que c’est la pierre angulaire de notre succès. Notre 19 heures est fondamental pour la chaîne, nous n’y toucherons pas, je suis formel là-dessus.

Vous annoncez également l’arrivée d’une plateforme de VOD. À quelle échéance et sur quel modèle ?

Nous allons effectivement avoir une plateforme développée sur la base de celle de M6 en France, qui nous fera bénéficier de son expertise. Elle devrait être lancée au début 2018, avant le printemps. Elle sera financée par la publicité. On va rentrer sur un terrain qu’on avait délibérément un peu délaissé pour une raison simple : jusqu’à présent, tout cela n’était pas «monétisable» en Belgique francophone. Car il faut bien repréciser que nous avons comme obligation, en tant que société privée commerciale, de faire du bénéfice. On ne peut pas se permettre de faire des choses qui ne rapportent rien. C’est pour ça que nous n’avons pas trop investi dans le digital dans le passé. Mais les choses ont évolué. Maintenant, c’est le moment de le faire. On a un modèle économique qui peut être à peu près rentable.

C’est une façon de répondre au personnel, qui vous reproche un manque de stratégie au niveau du développement digital ?

J’ai le plus grand respect pour le personnel, avec qui j’ai des relations à ce jour toujours parfaites et un dialogue toujours très ouvert. Mais on ne peut pas à la fois nous reprocher d’avoir du retard dans un domaine et d’anticiper dans un autre… On se plaint qu’on va trop vite par rapport à TF1 et qu’on est trop tard par rapport au digital. Je répondrai de façon très claire : on a un management qui, depuis une bonne quinzaine d’années, dirige cette boîte de façon efficace. Nous avons pris les bonnes décisions au bon moment. Dans le digital, en ayant attendu aussi longtemps, cela nous a permis de ne pas perdre trop d’argent. Nous allons réagir très vite pour être présents dans ce domaine. Et pour TF1, on ne va pas attendre la tempête pour réagir : c’est quand la tempête s’annonce que l’on rentre les voiles, et pas quand on est dedans.

Parmi les 105 départs envisagés, sait-on déjà qui sera concerné ? Les plus anciens doivent-ils s’inquiéter ?

Précisons que ce sont 105 fonctions qui disparaîtraient. Il n’y a pas encore de noms collés à ces fonctions. Il n’y a pas de liste. On ne sait pas encore qui va nous quitter si le chiffre de 105 est confirmé dans les semaines à venir. Évidemment qu’il n’est pas question que ce soit les anciens qui partent. Que du contraire, il y a des gens qui doivent rester impérativement, même s’ils ont 60 ans et l’âge d’être prépensionnables. Il n’y a pas d’appel à candidatures, on ne veut pas se débarrasser des plus anciens. Nous voulons garder les plus compétents pour l’organisation que l’on met en place pour demain.

Des visages connus vont-ils disparaître de l’antenne à cause de ce plan ?

Comme il n’y a pas de liste des partants, je ne vais pas vous répondre oui ou non. Mais a priori, non.

Entretien : Julien Vandevenne

Le personnel souligne que les comptes de RTL se portent pourtant bien, d’autres affirment que l’arrivée de TF1 sur le marché publicitaire belge n’est qu’un prétexte pour «dégraisser». Que répondez-vous ?

C’est très simple : l’année passée, RTL Belgium a fait une bonne année, comme on en fait depuis cinq ou six ans d’ailleurs. On a fait un résultat de 43 millions d’euros, dont un peu moins de la moitié vient de la télévision. Cette année-ci, sans parler de TF1, la pression publicitaire va faire que l’on va perdre 10 millions de recettes. Pour la télévision, on va donc passer d’un résultat à 19-20 millions l’an dernier à 9-10 millions pour 2017. Comme nous aurons l’an prochain le plein impact de l’arrivée de TF1, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle va prendre 15 millions sur le marché, nous risquons d’être en perte. Ce n’est pas acceptable pour une société comme la nôtre. On ne pouvait pas continuer à aller dans le mur, sans réagir, sans anticiper par rapport à TF1.

L’arrivée de TF1 n’est pas la seule raison à notre plan. La conjoncture n’est pas bonne, plein d’autres paramètres interviennent, comme les changements de modes de consommation de la télévision, l’arrivée de plateformes VOD… Donc aujourd’hui, comme les affaires sont encore bonnes, on anticipe pour nous préparer un avenir pérenne. Alors oui, dans l’absolu, le personnel n’a peut-être pas tout à fait tort, mais il fallait agir maintenant, vite et de façon fondamentale pour qu’on soit prêts pour les dix prochaines années.

Dans votre plan #Evolve, l’un des points concerne la rédaction de RTL-TVI. L’offre de JT ou de magazines va-t-elle être réduite dans les mois à venir ?

Pas du tout. On va rester avec le 13 heures et le 19 heures que vous connaissez, ainsi que les émissions politiques. On va bien préserver tout ce qu’on a. C’est dans la manière de fonctionner, dans la manière de procéder, le mode opératoire pour relayer l’information qu’on va changer les choses. On va travailler autrement : nous allons mixer différemment «hot news» et «slow news». On pourrait imaginer qu’une équipe qui travaille un jour sur des fissures détectées dans une centrale nucléaire revienne le lendemain et le surlendemain avec un sujet plus «magazine» sur le fonctionnement du nucléaire. Je suis un grand défenseur de la rédaction. Je suis intimement convaincu que c’est la pierre angulaire de notre succès. Notre 19 heures est fondamental pour la chaîne, nous n’y toucherons pas, je suis formel là-dessus.

Vous annoncez également l’arrivée d’une plateforme de VOD. À quelle échéance et sur quel modèle ?

Nous allons effectivement avoir une plateforme développée sur la base de celle de M6 en France, qui nous fera bénéficier de son expertise. Elle devrait être lancée au début 2018, avant le printemps. Elle sera financée par la publicité. On va rentrer sur un terrain qu’on avait délibérément un peu délaissé pour une raison simple : jusqu’à présent, tout cela n’était pas «monétisable» en Belgique francophone. Car il faut bien repréciser que nous avons comme obligation, en tant que société privée commerciale, de faire du bénéfice. On ne peut pas se permettre de faire des choses qui ne rapportent rien. C’est pour ça que nous n’avons pas trop investi dans le digital dans le passé. Mais les choses ont évolué. Maintenant, c’est le moment de le faire. On a un modèle économique qui peut être à peu près rentable.

C’est une façon de répondre au personnel, qui vous reproche un manque de stratégie au niveau du développement digital ?

J’ai le plus grand respect pour le personnel, avec qui j’ai des relations à ce jour toujours parfaites et un dialogue toujours très ouvert. Mais on ne peut pas à la fois nous reprocher d’avoir du retard dans un domaine et d’anticiper dans un autre… On se plaint qu’on va trop vite par rapport à TF1 et qu’on est trop tard par rapport au digital. Je répondrai de façon très claire : on a un management qui, depuis une bonne quinzaine d’années, dirige cette boîte de façon efficace. Nous avons pris les bonnes décisions au bon moment. Dans le digital, en ayant attendu aussi longtemps, cela nous a permis de ne pas perdre trop d’argent. Nous allons réagir très vite pour être présents dans ce domaine. Et pour TF1, on ne va pas attendre la tempête pour réagir : c’est quand la tempête s’annonce que l’on rentre les voiles, et pas quand on est dedans.

Parmi les 105 départs envisagés, sait-on déjà qui sera concerné ? Les plus anciens doivent-ils s’inquiéter ?

Précisons que ce sont 105 fonctions qui disparaîtraient. Il n’y a pas encore de noms collés à ces fonctions. Il n’y a pas de liste. On ne sait pas encore qui va nous quitter si le chiffre de 105 est confirmé dans les semaines à venir. Évidemment qu’il n’est pas question que ce soit les anciens qui partent. Que du contraire, il y a des gens qui doivent rester impérativement, même s’ils ont 60 ans et l’âge d’être prépensionnables. Il n’y a pas d’appel à candidatures, on ne veut pas se débarrasser des plus anciens. Nous voulons garder les plus compétents pour l’organisation que l’on met en place pour demain.

Des visages connus vont-ils disparaître de l’antenne à cause de ce plan ?

Comme il n’y a pas de liste des partants, je ne vais pas vous répondre oui ou non. Mais a priori, non.

Entretien : Julien Vandevenne

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