Thierry Beccaro : «L’annonce de la fin de « Motus » a été un défaut de communication» (interview)

Thierry Beccaro : «L’annonce de la fin de "Motus" a été un défaut de communication» (interview)
Pierre Bertinchamps Journaliste

Toute la semaine prochaine, «Motus» fête ses 25 ans, avec des surprises et des archives. Rencontre avec Thierry Beccaro qui est loin d’avoir envie d’arrêter !

Fin juin 1990, Antenne 2 (l’ancien nom de France 2) lance un nouveau jeu de lettres, «Motus». «J’avais juste signé pour un été», précise Thierry Beccaro. 

À l’époque, sa voix off était un petit nouveau encore peu connu… un certain Jean-Luc Reichmann ! 

«Pendant la Coupe du Monde en Italie, c’était une aventure joyeuse et très agréable», se souvient l’animateur alors insouciant. Près de 6.000 émissions plus tard, la même équipe est toujours sur le pont et «Motus» cartonne tous les matins…

25 ans pour une émission, c’est un bail en télé ?

Quand on y réfléchit, c’est aussi un quart de siècle. C’est impressionnant ! J’ai commencé à la fin du XXe siècle, ça a un petit côté romanesque… C’était la découverte d’un nouveau concept, et je dois reconnaître que je n’étais pas plus emballé que ça. J’étais même réticent à présenter un jeu.

Qu’est-ce qui a fait qu’Antenne 2 a poursuivi l’aventure ?

Il y a une alchimie assez particulière dans «Motus». La rencontre des candidats, le public et les téléspectateurs qui peuvent jouer de chez eux. Le succès d’un jeu, c’est avant tout un bon concept et de la proximité. Les Francophones aiment jouer avec les mots. Le secret de la réussite, c’est un jeu où on peut s’amuser aussi. Depuis, le programme est devenu culte avec les sonorités du générique, la boule noire, des règles un peu compliquées, etc…

Le vocabulaire perd de sa superbe avec les nouvelles technologies. Ça se ressent chez les candidats ?

Je le confirme, et quand je le fais remarquer, c’est toujours avec beaucoup de respect pour le candidat. Je ne suis pas là pour me moquer. Il y a des mots que les gens ne connaissent pas, et pour plusieurs bonnes raisons. Ce sont parfois des mots régionaux ou aussi parce que tout le monde n’a pas eu la chance de faire de grandes études. À chaque fois que l’on tombe sur un mot un peu plus difficile, je demande que l’on donne la définition. Je pense que «Motus» fait du bien aux gens pour ça aussi. Et même pour les plus jeunes, lors des spéciales junior, et on a eu des surprises dans la connaissance de l’orthographe chez les enfants.

Comment sont les candidats belges ?

Je les adore et ils sont souvent excellents. C’est la famille ! On a un public fidèle en Belgique et en Suisse. Et même dans le monde entier ! Je reçois parfois des candidats de Finlande, d’Italie, d’Espagne…

Ça démontre que la langue française ne tombe pas en désuétude…

Oui, et on résiste. C’est compliqué parce que l’anglais prend beaucoup de place, même dans la langue française. J’essaie de faire attention à ne pas trop dire de mots «franglais». Je sais que dans «Télématin», William Leymergie est sensible à ce qu’on n’emploie pas d’anglicismes. La difficulté est de trouver le juste mot. Parfois, ce n’est pas toujours d’une grande élégance, comme le «sonal» pour remplacer le mot «jingle». Là aussi, «Motus» a une place importante dans la transmission du français.

L’avenir de «Motus» est assuré ?

Il y a eu un défaut de communication. J’ai été convoqué, en février, par Thierry Thuillier (à l’époque patron des programmes, NDLR) où il m’a informé qu’on allait tester un nouveau jeu pendant les vacances. Mais il était déjà prévu que le jeu ne revienne que le samedi. Ce n’était pas la première fois. Je ne sais pas d’où c’est réellement parti cette histoire d’arrêt de «Motus». C’était d’ailleurs touchant ce barnum autour de mon cas. J’ai reçu des messages d’amis qui s’inquiétaient pour moi. «Motus» continue, et on sera là à la rentrée pour fêter, cette fois, la 6.000e émission !

On ne vous a jamais proposé de changer de case ?

En fait, j’ai créé «Slam» avant Cyril Féraud. On m’avait demandé de faire un choix entre «Slam» et «Motus». Pour être honnête, je n’étais pas heureux sur «Slam». Le format ne me convenait pas et j’ai préféré rester sur France 2 plutôt que faire la bascule. Pour qu’une aventure fonctionne, il faut qu’on soit bien… Le matin, j’ai une liberté formidable qui me permet aussi de faire du théâtre à coté, comme en ce moment. Ou de remplacer William Leymergie dans «Télématin», en juillet.

Vous ne prenez jamais de vacances ?

Je n’en prends pas beaucoup. C’est souvent en décalage par rapport aux autres. En février, pendant les quinze jours de vacances. Là, je me retrouve avec mes enfants et ma famille. Mon entourage joue le jeu et accepte cette vie bien remplie. Pouvoir faire beaucoup de choses vous donne pas mal de libertés, et ne pas être emprisonné dans une seule émission. («40° à l’ombre de la 3», «Surprise sur prise», «Le Bêtisier»,…)

Vous voir dans les bêtisiers, c’est une bonne ou une mauvaise chose ?

Je ne me regarde pas beaucoup, mais quand je vois l’intérêt ou l’amitié que d’autres animateurs me portent (comme Cyril Hanouna, par exemple, NDLR), ça veut vraiment dire que vous avez accompagné toute une génération en 25 ans. Les gens savent que dans «Motus», ça va partir en impro quand je vais réagir sur un mot. Pour moi, ça prouve que l’émission est bien installée dans le PAF. Je compare un peu ça avec la réflexion de Jean-Pierre Foucault qui entend souvent «C’est votre dernier mot, Jean-Pierre ?» Il ne râle pas parce que la popularité est là. Il faut l’accepter, sinon c’est qu’on n’a rien compris… Les bêtisiers, ça me touche, mais je ne dis pas de conn… exprès pour passer au «Zapping». C’est vraiment spontané.

On va vous revoir bientôt en Belgique, sur les planches ?

Vous avez un public génial ! J’aimerais bien mais il n’y a rien de prévu pour l’instant. Des Liégeois sont venus à Paris me voir dans «Marié à tout prix». J’espère que si on part en tournée, on passera par la Belgique.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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