L’Inde à l’heure de la déMo(di)cratie

Narendra Modi © Getty Images

Le Premier ministre Narendra Modi vise un troisième mandat à la tête du pays. Ce dimanche à 21h05, France 5 nous emmène à sa rencontre avec le documentaire «L’Inde de Modi – La démocratie confisquée».

Depuis le 19 avril, 970 millions d’Indiens votent. Ces élections législatives doivent déterminer le nom du prochain Premier ministre du pays. Le favori s’appelle Narendra Modi, il a 73 ans et préside aux destinées de l’Inde depuis dix ans. Il brigue un nouveau mandat de cinq ans.

Longtemps appelée «la plus grande démocratie du monde», l’Inde mérite-t-elle encore ce surnom ? Le virage nationaliste que lui fait prendre Modi en fait douter plus d’un.

Tout petit déjà

Narendra Damodardas Modi voit le jour le 17 septembre 1950 à Vadnagar, dans le Gujarat, au nord-ouest de l’Inde. Il a trois frères et deux sœurs, ses parents sont épiciers. Enfant, il donne un coup de main pour vendre du thé sur les quais. Une vie parfois difficile, dans laquelle il aurait puisé une partie de sa détermination. Il baigne vite dans l’idéologie nationaliste hindoue, l’hindutva, «l’hindouité» en français.

Le texte fondateur, écrit en 1923 par un certain Vinayak Savarkar, devient deux ans plus tard le socle de référence du mouvement baptisé «L’Association des volontaires nationaux» (le Rashtriya Swayamsevak Sangh – RSS), «organisée en milice (…) sur le modèle des Faisceaux italiens de combat de Benito Mussolini», écrit Ingrid Therwath dans Le Monde diplomatique. «Son projet : muscler les jeunes hindous tant sur le plan physique que moral pour « résister » aux musulmans, accusés de menacer la majorité.»

Narendra Modi adhère à l’Association dès l’adolescence.

L’ascension

En 1965, il se porte volontaire pour aller combattre l’armée pakistanaise dans l’Himalaya. Il quitte sa famille pour vivre dans le dénuement avec des sâdhus, des hindous qui font vœu de renoncer à la société (il n’a que deux tenues pour s’habiller).

Le temps passe, Modi change. Petit à petit, il gravit les échelons dans le RSS. En 2001, il est élu ministre
en chef du Gujarat. L’année suivante, c’est le drame. Le 27 février 2002, 59 pèlerins hindous meurent dans l’incendie d’un train. S’ensuivent des pogroms antimusulmans au Gujarat qui font deux mille morts. Un traumatisme pour l’entièreté de la population musulmane, 200 millions d’Indiens (14 %).

Quel rôle y a joué Modi ? Déterminant, selon un reportage de la BBC diffusé l’année dernière. Il aurait fermé les yeux sur les massacres, les viols, les incendies et aurait demandé à la police de ne pas intervenir. Le Premier ministre nie tout en bloc. La diffusion du reportage a été interdite par le gouvernement de New Delhi. En 2014, Modi se présente aux élections législatives. Il devient Premier ministre. Réélu cinq ans plus tard, il brigue un troisième mandat.

Nationalisme

La marque de fabrique de Narendra Modi ? Multiple. Sur la forme, c’est un orateur hors pair, charismatique, une véritable bête politique, sachant manier l’humour, très attentif à son look. Il se présente aussi comme un dévot, dans un pays laïque où l’hindouisme est pratiqué par 80 % de la population. Sur le fond, il prône le culte de la personnalité.

Populiste, «il s’est employé à garder la ligne directe avec sa «famille», ses 1,2 milliard de «frères», «sœurs» et «amis»», lit-on sur la plateforme «Expressions» de l’Institut Montaigne. Il distribue des masques à son effigie que ses partisans portent lors de manifestations : tous Modi ! En filigrane de son discours apparaît la question identitaire. Retour à l’hindouité. Un exemple éloquent est celui de la mosquée d’Ayodhya. Détruite par des extrémistes en 1992 (les émeutes qui ont suivi ont fait deux mille morts), elle devait être reconstruite. C’est finalement un temple qui a surgi de terre.

Empereur des cœurs

«Démocratie ethnique» (les membres des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques sont relégués à un statut de citoyens de seconde zone au nom du nationalisme hindou), «autoritarisme » : les deux termes reviennent souvent lorsqu’il s’agit de qualifier le régime instauré par Narendra Modi. Amnesty International dénonce la discrimination généralisée et systématique dont est victime la population musulmane. Des ONG internationales se voient refuser les accréditations grâce auxquelles elles reçoivent des subsides de l’étranger. Les médias et les journalistes trop critiques sont censurés. Celui qui s’autoproclame «Empereur des cœurs hindous» et assure à ses partisans que «le XXIe siècle sera celui de l’Inde» sera-t-il réélu ? La réponse sortira des urnes en juin prochain.

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